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avril, Mélanchthon. explique le Psautier et l’Iliade. Luther prie Lange de lui envoyer « l’hébreu » qu’il lui a recommandé, car, ajoute-t-il avec une aigre ironie, notre Böschenstein, à la honte de cette université, est parti, Böschenstein, chrétien de nom, mais le plus juif de tous les juifs ! Il semble bien que cet « hébreu » soit Jean Cellarius Gnostppolitanus, qui, en 1518, avait fait paraître à Haguenau une Introduction à l’étude de la langue hébraïque. Ce qui est certain, c’est que cet hébraïsant vint à Wittenberg en mai 1519, et qu’il s’entretint avec Luther et Mélanchthon. Le premier écrit à Spalatin que Cellarius sait un peu d’hébreu, comme l’atteste le petit livre qu’il a publié. Mélanchthon est plus dédaigneux. Cet « hébreu » lui a paru assez peu instruit. « Nous en avons conféré avec le docteur Martin. Il nous paraît médiocre à tous deux, Il a besoin d’enseigner pour faire des progrès. En attendant qu’un plus docte soit engagé, j’explique le Psautier. » Quelques jours après, Luther et Mélanchthon partaient pour Leipzig, où ils restèrent pendant les mois de juin et de juillet. La chaire d’hébreu demeura-t-elle vacante ? Cela n’est pas probable. A la fin de juillet, en effet, Mélanchthon se plaint que celui qui fait le cours de langue hébraïque ne veut pas expliquer d’auteurs. Il voit bien que c’est la difficulté du Psautier qui l’arrête, et Mélanchthon de s’offrir encore une fois comme héhraïsant par intérim.

Trois mois plus tard, Luther recommande vivement à Spalatin. comme professeur de langue hébraïque un « hébreu » de Louvain, Mattheous Adriani, qui demande à faire un cours dans l’université de Wittenberg. Ce bon Luther, toujours plein d’ardente sympathie pour les nouveau-venus qu’il ne connaît pas, mais qu’il doue généreusement de toutes les qualités imaginables, s’écrie avec enthousiasme : « Tu connais la célébrité et l’érudition de cet homme, » Il va jusqu’à écrire deux fois dans la même journée pour obtenir une réponse. Spalatin, qui connaît son ami, ne se presse pas. Un mois se passe, jour pour jour, et Adriani attend encore. L’année suivante, en février 1520, nouvelle mention d’Adriani, qui sollicite toujours une réponse. On parle de 100 à 90 florins. Le marché sera sans doute bientôt conclu. Les vœux de Luther furent enfin comblés. On voit, par une lettre de Mélanchthon, que l’électeur Frédéric a engagé Adriani. Il faut maintenant procurer des livres hébreux et un logement à Adriani. Luther s’occupe de ce soin avec empressement ; toutefois il est clair que ce n’est point là son affaire. « Adriani n’a pas encore de maison, écrit-il à Spalatin : nous sommes constamment à la torture ; mais, j’allais l’oublier, souviens-toi de venir à mon aide par 2 ou 3 florins. Je perds gros en effet avec Adriani : à moins que Philippe et moi nous devions seuls dépenser notre argent en festins ?… Fasse le Seigneur qu’Adriani ait bientôt un logement,