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d’ailleurs devant la responsabilité de leurs actes et les livraient volontiers à l’examen ; la comptabilité d’Anzin a de tout temps été tenue à livre ouvert pour tous ceux qui avaient un intérêt réel à la connaître. Il n’a pas fallu moins que ce régime de vigueur et ces traditions d’honnêteté, fortifiés par un esprit de prévoyance et d’économie, pour que la compagnie arrivât jusqu’à nous, après les plus grandes tourmentes, intacte de tout point et dans les mêmes conditions qu’à l’origine, sans jamais avoir fait parler d’elle autrement que pour les services qu’elle avait rendus et les sommes qu’elle avait ajoutées à la fortune du pays.

Ce n’est pas que les épreuves lui aient manqué ; non, son existence n’est qu’une suite de défenses énergiques. Tantôt c’est une révolution qui met tout en débris, tantôt c’est une guerre qui éclate aux frontières, c’est-à-dire aux portes des exploitations ; le formalisme administratif tranche sur le tout et découpe arbitrairement la propriété souterraine dans la loi du 28 juillet 1791. Cette loi modifiait pour les mines en activité les anciennes conditions de temps et d’espace. On accordait à toutes celles qui étaient pourvues d’un titre régulier une exploitation de cinquante années, à la condition seulement que cette exploitation serait restreinte à 6 lieues carrées. Prise à la lettre, cette clause eût été pour Anzin une véritable dépossession ; mais il fut admis que, par voie de cumul, une grande compagnie pourrait demeurer nantie de plusieurs concessions, en faisant de chacune d’elles un lot à part, en la réduisant à l’étendue légale. Tout cela d’ailleurs n’eut lieu qu’en projet, au moins pour le moment ; les événemens coupèrent court à cette opération cadastrale. D’une part, la guerre sévit et promena de longs ravages sur les établissemens d’Anzin, dispersa les ouvriers, ruina les bâtimens ; de l’autre, la révolution entra dans une période de violences, confisqua les biens, proscrivit les personnes. MM. de Croy et de Cernay furent contraints d’émigrer ; le directeur lui-même, décrété d’arrestation, ne sauva sa tête qu’en passant la frontière. Il y eut pour ces industries, naguère si actives, trois ans d’abandon ; tous les chantiers, tous les puits étaient déserts. La reprise du travail n’eut lieu qu’en 1795, à la première détente du règne de la terreur. Les besoins du commerce étaient redevenus impérieux ; le gouvernement lui-même comprenait l’urgence d’un retour d’activité, et paraissait le seconder de tout son pouvoir. Les associés de la compagnie d’Anzin qui n’avaient pas quitté la France se concertèrent et se reconstituèrent. Un nouveau directeur de travaux fut nommé, les six régisseurs reprirent leurs fonctions. Une première difficulté se présenta : qu’allait-on faire au. sujet du séquestre qui pesait sur les parts des émigrés ? La compagnie eût préféré réserver la