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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/237

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mède efficace, c’est l’action persévérante et suivie d’une politique résolue. Ce que veut M. Thiers, on le sait, il l’a répété ces jours derniers encore aux conseillers-généraux du département de Seine-et-Oise qui sont allés le visiter. Aujourd’hui comme hier, il est le gardien de la trêve des partis, le dépositaire vigilant et impartial d’un pouvoir qui s’appelle la république, et dont la France en définitive reste la souveraine maîtresse quand elle voudra en disposer ; mais en dehors de cette pensée supérieure il y a ce qu’on pourrait appeler la politique de tous les jours, celle qui résout les questions à mesure qu’elles se présentent. La première chose à faire, il nous semble, serait d’écarter d’abord tout ce qui ne peut qu’entretenir un malaise inutile ou factice, et sous ce rapport il nous paraît impossible que dès sa rentrée l’assemblée ne sente pas la nécessité d’en finir avec toutes ces tergiversations qui la tiennent éloignée de Paris. Au premier moment, on a pu se faire quelque illusion ; il est désormais trop évident que plus la situation actuelle se prolonge, plus elle fait souffrir tous les intérêts sans compensation sérieuse. Il ne se peut pas que l’action publique reste ainsi suspendue indéfiniment entre Paris et Versailles, et que cette dispersion singulière des administrations continue. À la longue, l’assemblée se mettrait dans une impasse d’où elle ne pourrait plus sortir, où elle ne serait peut-être plus à l’abri d’un certain ridicule. Le retour à Paris au 1er janvier ne serait pas seulement une satisfaction pour tous les intérêts, ce serait encore un acte d’autorité et de force morale qui, loin de mettre l’assemblée en péril, la relèverait en la replaçant au vrai centre de la puissance française.

Cette première question une fois réglée, et elle n’est pas la moins importante, elle n’est que la plus inutile des difficultés léguées par les circonstances, — le gouvernement a certes assez à faire pour conduire cette œuvre de réorganisation nationale qu’il a entreprise ; il a tout à faire, et même son action peut s’étendre à cette terre d’Afrique où la France peut chercher une sorte de compensation de ses malheurs sur le continent. Le gouvernement s’en est déjà fort occupé, et il s’en occupe avec raison. Il n’a pas eu seulement à réprimer une insurrection redoutable qui semble maintenant vaincue ; il s’est appliqué à transformer l’administration de l’Algérie, à donner un caractère nouveau aux pouvoirs du gouverneur, à favoriser l’élément civil par la suppression des bureaux arabes, à préparer le développement de la colonisation par des concessions de terres particulièrement assurées aux Alsaciens qui voudraient émigrer. Enfin le gouverneur placé à la tête de l’Algérie, M. l’amiral de Gueydon, s’est déjà montré un administrateur éprouvé. C’est un champ toujours ouvert à l’activité française ; mais évidemment avant tout c’est à l’intérieur que la politique du gouvernement peut se manifester avec fruit, et, pour qu’elle se manifeste avec fruit, il faut qu’elle, procède avec décision. Cette décision est, à vrai dire, la première condition du succès. Sait-on en effet ce qu’il peut y avoir de plus dangereux ?