Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est que par une sorte de superstition de routine administrative ou par hésitation, ou par suite de confusions de pouvoirs, les questions restent indécises, les affaires traînent sans solution. Les affaires qui traînent se compliquent le plus souvent en chemin, et deviennent quelquefois d’importunes difficultés. N’est-il pas vrai par exemple que, si dès l’origine on s’était fait une idée nette et précise de la conduite qu’on avait à suivre à l’égard de tous ces condamnés et ces détenus laissés par l’insurrection de Paris, on n’en serait point à se perdre dans des délibérations et des lenteurs peut-être inévitables, mais qui ont malheureusement pour effet de fatiguer ou de dérouter l’opinion ? Tout est fort régulier, nous en convenons, et c’est l’honneur de l’administration ; seulement, avant que les conseils de guerre prononcent, avant que le gouvernement ait pu rassembler des dossiers, avant que la commission parlementaire des grâces décide, bien du temps s’écoule, et ce n’est là encore qu’un détail.

Au point où nous en sommes, tout ce qui peut dégager et hâter l’expédition des affaires ne peut qu’avoir une influence heureuse. La meilleure politique, c’est l’esprit d’initiative dans un pouvoir qu’on sait bien intentionné, dont le patriotisme éclate en tout ce qu’il fait pour la libération du pays. Ce pouvoir a devant lui une œuvre nécessaire et bienfaisante qui peut se résumer dans un mot : c’est l’ordre à rétablir un peu partout, l’ordre dans le travail de tous ces corps délibérans qui sont toujours tentés de sortir de leurs attributions, l’ordre dans toutes ces situations irrégulières qui ont été laissées par la guerre, l’ordre dans les esprits qui croient tout possible parce que rien ne leur semble assuré. Enfin c’est la loi du devoir qui doit se faire sentir à tous dans son énergique et salutaire précision.

Le danger des situations incertaines, c’est justement qu’elles laissent une issue ouverte aux prétentions, aux ambitions, même aux vanités et aux mauvaises suggestions de l’intérêt individuel. Tout se fait jour dans la mêlée, et voilà pourquoi il faut se hâter de régler nos comptes de toute sorte, militaires, politiques ou financiers, ne fût-ce que pour éviter des incidens comme celui qui s’est récemment produit à l’occasion de la révision des grades, et qui a eu un retentissement aussi déplaisant qu’imprévu dans le public comme dans l’armée. Que la commission de l’assemblée qui a entrepris ce grand travail de vérification militaire se soit chargée d’une mission délicate, que ce qu’il y a de délicat dans cette mission soit encore aggravé par une certaine confusion entre les prérogatives souveraines de la commission de l’assemblée et les prérogatives nécessaires du pouvoir exécutif, cela n’est pas douteux. Nous avouons, quant à nous, qu’il nous paraît y avoir quelque chose d’assez singulier ou d’assez irrégulier dans ce mélange d’initiatives et de responsabilités. Il peut n’être pas sans inconvéniens qu’une délégation du parlement prononce sur des situations militaires individuelles, ou que le ministre de la marine, comme on l’a vu récemment, se borne à proposer dans