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d’avis qu’on se montrât conciliant envers Nestorius, pour l’encourager dans la voie des concessions où il était déjà entré sur les remontrances de Jean lui-même ; mais en ce qui concernait Cyrille, ou plutôt ses anathématismes, on fut d’avis de les repousser absolument, afin que, si Nestorius, trop opiniâtre dans ses sentimens, méritait d’être condamné, il ne le fût pas du moins en vertu de propositions hérétiques, blasphématoires, particulièrement dangereuses pour les églises d’Orient. Deux choses furent arrêtées d’un commun accord : indulgence envers Nestorius pour l’amener à résipiscence, et guerre à outrance contre les anathématismes de Cyrille. Ceci réglé, les évêques s’engagèrent mutuellement, ceux qui partaient à se conformer à la décision du synode ; ceux qui demeuraient à souscrire d’avance aux actes de leurs représentans. La colonne des Orientaux se mit alors en marche pour Éphèse. André de Samosate et Théodoret étaient présens au synode, dont ils avaient reçu l’approbation pour leurs écrits contre Cyrille, et devaient être chargés particulièrement de soutenir l’accusation contre l’Égyptien ; mais, quand il fallut partir, André s’excusa sur le mauvais état de sa santé, et resta. Théodoret, dont le courage était à l’abri de toute défaillance, prit sur lui le fardeau entier de la lutte, partit, et devança même le patriarche dans le voyage.

Cependant les évêques réunis à Éphèse employaient diversement leurs loisirs en attendant l’ouverture de la session. Les uns se préparaient à la discussion par la lecture des pères, Cyrille, aidé du protonotaire de son église, s’occupait à extraire des livres de Nestorius les passages qui prêtaient le plus aux accusations, et leur opposait les textes des pères qui confirmaient le mieux sa propre doctrine ; les autres ouvraient des controverses sur le sujet qui les appelait à Éphèse. On se visitait d’un camp à l’autre lorsqu’on y comptait des amis ; on y allait pour causer, pour observer, un peu pour espionner. Nestorius, dans ses conversations familières, se plaisait à soutenir des thèses qui surprenaient ses adversaires, tantôt conciliant, tantôt entier dans ses opinions, comme pour montrer sa faconde et préluder aux graves discussions par des jeux d’esprit. On remarqua que Cyrille passait rarement près de lui et ne l’abordait point. « Il me fuit, disait Nestorius avec sa présomption ordinaire ; il a peur que je ne le convertisse. » Les mots piquans, les propos hasardés, rapportés d’un camp à l’autre, nourrissaient la discorde et venaient retomber sur leurs auteurs : c’est ce qu’il advint à Nestorius dans deux occasions mémorables.

Il avait reçu la visite de deux hommes, ses intimes amis autrefois, et qui, bien qu’opposés de doctrines, n’avaient point perdu pour lui toute affection : c’étaient Acacius de Mélytène et Théodote d’Ancyre. Acacius croyait l’avoir ramené à des sentimens plus