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à ce qu’elle devait à la France. La seule de ses huit forteresses qui pût opposer à l’ennemi une résistance efficace a été livrée aux Allemands par le maréchal Bazaine ; les sept autres se sont défendues jusqu’au bout avec une extrême vigueur. Longwy, qui avait reçu en vingt-quatre heures 7,000 projectiles, dont les casemates s’effondraient, ne capitula qu’à la veille de l’armistice, après avoir essuyé neuf jours de bombardement. Bitche tenait encore au moment où la paix fut signée ; les Prussiens le possèdent en vertu du traité sans l’avoir jamais pris par la force. Les défenseurs de Phalsbourg avaient mangé leur dernier morceau de pain lorsqu’ils ouvrirent leurs portes ; les rues brûlées de Thionville et de Montmédy disent assez tout ce que la population y a souffert avant de se rendre. On voudrait raconter aujourd’hui avec quel dévoûment les deux citadelles lorraines les plus mal placées, les plus exposées au feu de l’ennemi, Toul et Verdun, ont supporté un siège assez long pour étonner l’Allemagne, et dépasser les espérances des militaires français.


I

Toul, situé en seconde ligne, derrière Metz et Strasbourg, à plus de vingt lieues de la frontière, s’attendait encore moins que ces deux places fortes à une attaque prochaine. On s’y préparait si peu à se défendre que le gouvernement, en prévision d’une guerre offensive, se proposait d’y réunir une partie des réserves de l’armée. On y envoyait 400 lits, un matériel d’ambulance considérable, trois batteries d’artillerie à pied, deux compagnies de pontonniers, un équipage de pont, un dépôt d’infanterie et cinq dépôts de cavalerie. Les soldats devaient s’y exercer en lieu sûr, loin de la présence de l’ennemi, jusqu’au jour où les nécessités de la campagne exigeraient d’eux un service actif. Quelques heures de combat dissipèrent toutes ces illusions. Dès le 6 août, après les deux défaites de Forbach et de Reichshofen, il s’agissait non plus d’envahir l’Allemagne, mais de subir la guerre chez soi, de préserver notre territoire envahi. Dans ces conditions nouvelles, même lorsque la ligne des Vosges était désertée avant d’avoir été défendue, l’armée française, au lieu de se concentrer sous les murs de Metz, aurait pu occuper une position très forte et arrêter l’invasion en s’établissant dans la forêt de Haye, entre Nancy et Toul, en couronnant les hauteurs escarpées et boisées qui séparent le bassin de la Moselle du bassin de la Meuse, en couvrant le chemin de fer de l’Est pour maintenir ses communications avec Paris. Ce projet, qui eût peut-être épargné de grands malheurs à la France, traversa un instant la pensée hésitante de l’empereur pour être rejeté presque aussitôt que conçu. Le général