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Mecklembourg-Schwerin, qui occupait Reims, de marcher sur Toul avec un corps de troupes et de s’emparer à tout prix de la petite forteresse. En exécution de ces ordres, le 23 septembre, 15,000 hommes entouraient la place, et 93 pièces de gros calibre, soutenues par une réserve de 21 canons, la battaient en brèche. Dès cinq heures du matin, les batteries prussiennes croisaient leurs feux sur les remparts et sur les maisons, incendiaient en partie les faubourgs de Saint-Mansuy et de Saint-Epvre, brûlaient les habitations éparses au milieu des jardins et entouraient la ville d’une ceinture de flammes. En quelques heures, la demi-lune qui couvre la porte de France recevait des milliers de projectiles, un obus y brisait les chaînes du pont-levis et faisait tomber le tablier ; ailleurs, dans une maison enflammée, une jeune fille était coupée en deux, des éclats atteignaient une femme et un enfant. L’artillerie de la place, écrasée par des feux convergens et plongeans auxquels elle ne pouvait répondre, subissait des pertes cruelles ; 30 artilleurs tombaient autour des pièces, grièvement ou mortellement atteints. Toute résistance paraissait désormais impossible ; prolonger la lutte, c’était condamner la ville à une ruine certaine, faire verser beaucoup de sang pour n’obtenir d’autre résultat que de retarder de quelques heures un dénoûment inévitable. Cependant le brave officier qui commandait la place ne parlait pas de se rendre ; il ne se décidait à arborer le drapeau blanc qu’après une démarche du maire et du conseil municipal, sur l’avis unanime du conseil de défense. Il fallut se soumettre au nouveau code militaire inauguré par les Prussiens et subir les dures conditions de la capitulation de Sedan. Le temps n’était plus où les garnisons qui avaient fait leur devoir jusqu’au bout obtenaient du vainqueur le droit de sortir de la place avec les honneurs de la guerre, en emportant leurs armes dans leurs foyers. L’humiliation presque sans exemple que l’empereur avait acceptée pour son armée, à laquelle n’eût jamais souscrit ni son oncle, ni aucun général de la première république, ni aucun prince de la maison de France, devenait maintenant le texte légal de toutes les conventions proposées par l’ennemi. La garnison de Toul fut désarmée comme l’avaient été les troupes françaises à Sedan, et emmenée prisonnière en Allemagne. On obtint seulement, comme témoignage d’estime pour la courageuse conduite des habitans, que les gardes mobiles originaires de la ville pourraient y demeurer sur parole.

En résumé, la petite forteresse avait bien mérité de la patrie, ainsi que le reconnaissait un décret du gouvernement, confirmé par l’assemblée nationale. Toul, abandonné à ses propres ressources, avec un système de fortifications incomplet et défectueux, avec une faible garnison dépourvue d’expérience et d’instruction