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militaires, séparé de la France, averti néanmoins de nos désastres par les communications prussiennes, et ne pouvant compter sur aucun secours, avait repoussé une attaque de vive force en infligeant à l’ennemi des pertes considérables, résisté à sept sommations accompagnées tantôt de menaces, tantôt d’offres séduisantes, subi quatre bombardemens, forcé l’ennemi à déployer sous ses murs 15,000 combattans et à mettre en batterie pour le réduire cent quatorze pièces de siège. Presque toutes les maisons de la ville portaient la trace des bombes et des obus, dix-huit bâtimens particuliers ou appartenant à l’état tombaient en ruines. A ce prix, on avait gardé la route de Paris et retardé de plusieurs jours la marche des convois prussiens.


II

Il serait fastidieux de raconter longuement, après les péripéties du siège de Toul, les incidens analogues du siège de Verdun. Partout l’armée prussienne opéra de même ; partout aussi en Lorraine les villes assiégées opposèrent une égale résistance aux attaques dont elles furent l’objet. La position de Verdun, situé dans une plaine, dominé de tous côtés par des hauteurs d’où l’artillerie moderne peut foudroyer la ville, n’était pas plus facile à défendre que celle de Toul. En y arrivant le 16 août, l’empereur parut surpris qu’on n’eût pas couronné de forts les collines environnantes, et exprima la crainte qu’une place aussi mal fortifiée fût hors d’état de soutenir un siège. Il eût mieux valu y penser avant de déclarer la guerre. A peine la lutte était-elle commencée qu’on s’apercevait partout de ce qui nous manquait pour la soutenir. Si l’empereur eût été moins occupé alors de son propre salut, il eût pu remarquer aussi l’insuffisance de la garnison de Verdun et y laisser derrière lui la brigade de chasseurs d’Afrique ou tout au moins le bataillon de grenadiers de la garde qui lui servaient d’escorte. Abandonnée à elle-même, la place ne renfermait que des forces trop peu nombreuses pour garder son vaste périmètre et servir les cent quatre-vingts pièces de ses remparts. Il ne s’y trouvait d’ailleurs qu’une poignée de soldats exercés ; 2 bataillons de dépôt d’infanterie, 1 escadron de dépôt de cavalerie, 2 bataillons de gardes mobiles, 1 bataillon de gardes nationaux armés depuis quinze jours à peine de fusils à tabatière, 2 batteries d’artillerie de campagne, des artilleurs improvisés dans la garde mobile et dans la garde nationale, voilà le modeste effectif dont le commandant supérieur de la place disposait au commencement du siège. On ne s’attendait pas, du reste, à être attaqué. On avait d’abord compté sur une marche victorieuse du maréchal Bazaine, qui eût trouvé à Verdun d’immenses