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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/521

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au nom de ce clergé de France auquel on ne craignait pas d’offrir un argent mal acquis; tantôt c’était le grand-chancelier de la Légion d’honneur qui exprimait sa douleur au nom de cette armée dont on voulait enrichir les meilleurs soldats avec les dépouilles de ceux qui avaient été leurs compagnons d’armes. Dans les casernes comme dans les ateliers, même parmi ceux qui devaient profiter des décrets, on plaignait les spoliés et on exprimait pour le spoliateur un sentiment tout autre que celui de la reconnaissance.

Que pouvait faire le dictateur pour combattre ces répugnances dont l’éclat public pouvait devenir d’un moment à l’autre la condamnation sans appel d’un des actes qui lui étaient le plus chers? Expliquer, discuter, invoquer de nouveau les faits et le droit? Impossible; c’était perdre encore plus sûrement tout le fruit du décret sur lequel, partout à ce moment, il n’y avait plus qu’une seule opinion. Les résistances de la conscience publique avaient-elles du moins éveillé des doutes, des scrupules, chez l’auteur du décret de spoliation? Nullement, la seule conclusion qu’il en tira, c’est qu’il s’y était mal pris; — une lutte contre ces résistances serait impossible ou dangereuse, il va se borner à les éluder. C’est de cette nécessité reconnue par le prince-président qu’est né le singulier décret du 27 mars 1852, qui n’a pas été assez remarqué; il complète en effet l’histoire particulière de la confiscation des biens d’Orléans, en même temps qu’il rentre par son caractère dans l’histoire générale de la politique et de la morale du second empire. Ce décret commence par viser celui du 22 janvier, et rappelle que les biens confisqués doivent être vendus jusqu’à concurrence de 35 millions, pour le produit en être distribué entre des institutions ecclésiastiques, ouvrières et militaires, le reste des biens étant attribué à la dotation de la Légion d’honneur; puis on y lit tout à coup avec surprise que ces dotations ne seront plus prélevées sur les biens d’Orléans, mais sur le produit de la vente des bois de l’état dont l’aliénation avait été autorisée en 1850, et qui, vu leur nature et leur position, seront plus tôt et mieux vendus. Le nouveau décret déclare en outre que la grande-chancellerie de la Légion d’honneur étant impropre à l’administration de propriétés foncières, il y a lieu de revenir sur la disposition du décret de 1852 qui ajoutait à la dotation la partie non vendue des biens d’Orléans. En conséquence, le ministre des finances vendra jusqu’à concurrence de 35 millions les bois de l’état désignés par la loi de 1850 (art. 1er), et on affectera le produit aux dotations allouées par le décret du 22 janvier (art. 2); enfin il inscrira au grand-livre de la dette publique une rente de 500,000 francs en remplacement des biens qui avaient été attribués à la Légion d’honneur par le décret précité (art. 3). Un