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tiers de son bien, il lui en resterait encore plus qu’à une foule de braves gens qui valent mieux que lui.

« N’oubliez pas cet autre considérant où l’on essaie de flétrir par l’imputation de fraude la mémoire et la probité d’un roi dont l’empereur Napoléon III avait naguère, dans une lettre publique à M. Odilon Barrot, proclamé la clémence et la générosité envers lui-même, d’un roi qui plus d’une fois a fait reculer la politique devant la justice, et qui, d’après les comptes incontestés de M. de Montalivet, son intendant-général, a fait bénéficier l’état de 42 millions sur la liste civile qu’il a touchée pendant son règne.

« N’oubliez pas enfin, messieurs, quelle est la première origine de toutes ces attaques au patrimoine d’Orléans. Cette origine, vous l’avez tous en horreur; cette origine, c’est l’émeute, c’est la horde de vandales, de barbares et d’incendiaires qui s’est précipitée sur Neuilly en février 1848, et qui, en pillant et brûlant, a inauguré cette soi-disant restitution à l’état que le budget actuel doit consommer.

« Messieurs, voter le budget qui contient des sommes d’une pareille source, c’est, selon moi, accepter la solidarité, la responsabilité de la spoliation. Pour moi, loin de l’accepter, je la répudie devant Dieu, devant le pays et devant l’avenir. C’est pourquoi je voterai contre le budget.

« Je m’arrête là. Je place ce peu de paroles sous la protection de trois grandes autorités, des trois noms les plus illustres peut-être de notre histoire moderne. Écoutez Napoléon parlant à son conseil d’état le 18 novembre 1809 : « La propriété, c’est son inviolabilité dans la personne de celui qui possède... Moi-même, avec les nombreuses armées qui sont à ma disposition, je ne pourrais m’emparer d’un champ, car violer le droit de propriété dans un seul, c’est le violer dans tous. » Ainsi parlait le vainqueur du monde avant que ses fautes et ses folies ne l’eussent précipité dans l’abîme. Écoutez ensuite Bossuet écrivant sous la monarchie absolue de Louis XIV : « Il y a des lois dans les empires contre lesquelles tout ce qui est fait est nul de droit, et il y a toujours ouverture à revenir contre dans d’autres occasions ou d’autres temps... L’action contre la violence et l’iniquité est immortelle... » Écoutez enfin Fénelon écrivant à Louis XIV ce qui suit : « Ne dites pas que ces mesures étaient nécessaires. Le bien d’autrui n’est jamais nécessaire; ce qui est véritablement nécessaire, c’est d’observer une égale justice. »

« Messieurs, je souhaite que ces grandes voix, que ces grandes vérités éternellement vraies ébranlent et éclairent vos consciences, comme elles ont éclairé et affermi la mienne. »


IV.

On peut dire, après le discours de M. de Montalembert, que le décret du 22 janvier 1852 est définitivement jugé. Le grand ora-