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tramontains. Personne n’est en droit de suspecter l’honorabilité notoire des chefs de l’opposition anti-infaillibiliste; des hommes comme les professeurs Huber, Friedrich et Michelis, comme M. de Liaño, publiciste émérite du parti, comme le père Hyacinthe, qui a prononcé au congrès un discours remarquable et très applaudi, n’obéissent qu’à la voix de leur conscience et non aux suggestions intéressées des gouvernemens. Leurs fréquentes hésitations témoignent suffisamment de leur sincérité. — Qu’il n’y ait pas à côté d’eux des hommes plus positifs, qui, sachant qu’il n’y a point de schisme réalisable sans quelque aide des puissances du monde, en attendent du secours pour le succès de l’œuvre commune, rien de moins étonnant. Il n’est pas défendu de penser que le baron de Stauffenberg, député au Reichstag, ou le chevalier de Schulte, juriste renommé de Prague, ou encore le professeur Reinkens, de Breslau, s’ils entrevoient le ciel à l’horizon, n’aperçoivent la terre et peut-être césar au premier plan. Ce qui est certain, c’est que le congrès des vieux catholiques n’a point réclamé l’appui des gouvernemens; il s’est contenté d’assigner pour but aux efforts du parti la reconstitution des églises nationales administrées librement par leur clergé avec le concours des laïques. A cet effet, il a décidé la formation de paroisses ou d’associations religieuses entre les citoyens partout où le clergé romain susciterait des conflits, mesure pratique et d’une habileté incontestable qui a permis aux vieux catholiques d’éviter la discussion difficile des réformes que chacun des délégués proposait d’introduire dans l’église.

La presse libérale qui soutient le parti anti-infaillibiliste ne se croit pas obligée à tant de circonspection. Elle développe journellement ce thème, qu’il n’est point de neutralité possible pour l’état entre les néo-catholiques et les partisans de M. de Dœllinger. Ne pas repousser formellement les décrets du Vatican, c’est les reconnaître, et un état qui admet dans son sein une société religieuse fondée sur le dogme de 1870 a prononcé sa propre déchéance. Le pape se considère en Bavière comme un prince souverain; il y publie ses propres décrets en dépit des lois positives du pays. L’archevêque de Bamberg lui-même a publiquement avoué, le 24 mai dernier, que l’épiscopat bavarois ne prêtait serment que sous la réserve mentale de toutes les lois de l’église. Quand les évêques cherchent à nier l’hostilité du catholicisme romain à l’égard de la société civile, le Syllabus leur donne un démenti; Rome se considère comme en guerre ouverte avec les gouvernemens européens. Comme preuve à l’appui, les journaux allemands ont reproduit le texte des instructions secrètes du pape aux confesseurs du royaume d’Italie, publié par l’Unità catholica au mois d’avril 1871; on y voit que la