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tenus dans leur résistance par les gouvernemens. Il n’est question, du nord au sud de l’empire, que d’excommunications, suspensions, ou de non moins violentes reparties de la part des persécutés. Il n’est pas jusqu’à la Suisse qui ne se ressente de l’émotion provoquée par le nouveau dogme. Les cantons catholiques, quoique représentant dans la confédération l’élément conservateur, n’ont pas entendu confondre leur politique avec celle de Rome, à leurs yeux moins conservatrice que rétrograde. Ils songent à reprendre possession d’eux-mêmes, et cherchent la base de leurs églises, non plus dans les gouvernemens, mais dans les communes elles-mêmes. Le gouvernement d’Argovie, sur la proposition de M. Keller, qui autrefois a fait voter la suppression des couvens dans son canton, vient de saisir le pouvoir législatif de la question de la séparation de l’église et de l’état; un second projet de loi a pour but de faire déclarer le canton indépendant de l’évêché de Bâle et de Soleure, et par suite libéré de ses obligations envers les établissemens diocésains. A Lucerne, à Saint-Gall, dans les petits cantons, la lutte n’est pas moins vive. Des assemblées populaires, à Berne et à Soleure, ont demandé aux gouvernemens cantonaux une action décisive de leur part, en attendant une révision de la constitution fédérale dans un sens contraire à l’ultramontanisme. De la Hollande jusqu’au sud de la Suisse, toutes les races germaniques sont donc assez profondément émues pour que le pouvoir civil soit bientôt entraîné par la force même des choses à se prononcer dans le débat religieux.


IV.

Le parti ultramontain pourra-t-il, malgré sa force numérique et sa puissante organisation, résister à l’orage qui se prépare contre lui? Si l’on interroge l’histoire de ces dernières années, la réponse paraît devoir être négative. Rien n’a plus servi les projets de M. de Bismarck que l’impatience de la cour de Rome et son dédain des embarras où elle allait jeter les gouvernemens. En paraissant identifier le sentiment d’indépendance particulariste avec la politique du Vatican, le parti anti-unitaire a compromis son influence, et nulle part en Allemagne n’a pu réussir à faire triompher son programme. Un député catholique lui-même écrivait au mois de septembre à une réunion de paysans bavarois (Bauernverein) qui devait avoir lieu à Deggendorf : « Ceux qui se disent patriotes et prétendent sauvegarder l’indépendance de la Bavière doivent en premier lieu ne pas se ranger sous la bannière d’un parti essentiellement antinational. Adopter l’infaillibilité du pape et faire d’un parti politique