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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/604

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durée incalculable et s’applique à des êtres demeurés le plus souvent obscurs ou inconnus au moment même où il serait le plus intéressant de les observer. Cependant, si les choses ont marché comme elles l’eussent fait en admettant la réalité de l’évolution, si tout concorde dans le passé, comme dans le présent, et qu’il existe constamment des transitions entre des types opposés, il est loisible d’avancer, ce qui est énorme, que la théorie transformiste s’adapte sans effort aux faits connus. La preuve directe et décisive reste à faire, mais on sait bien que, dans les termes où on la demande, cette preuve est impossible. Songeons encore à ceci : si nous en étions à soupçonner certaines métamorphoses d’insectes ou seulement l’éclosion de l’œuf des oiseaux, sans les avoir jamais observées directement, comment persuaderait-on les incrédules de la réalité de ces transformations ? Ici pourtant ce n’est pas le lien lui-même, c’est une partie seulement des termes interposés qui font défaut. Rien ne peut suppléer aux lacunes résultant de l’insuffisance des documens ; il en reste pourtant assez pour exciter la curiosité et forcer même la conviction.

La convergence effective des diverses classes de vertébrés, à mesure que l’on s’enfonce dans le passé, résulte de l’ensemble des recherches sur les animaux fossiles de cet embranchement. Plus on se rapproche des temps primitifs, plus on voit s’effacer les combinaisons organiques les mieux en rapport avec le caractère particulier de chaque classe. C’est ainsi qu’au-delà des temps tertiaires on ne rencontre, en fait de mammifères, que des marsupiaux, mammifères imparfaits et en réalité ovovivipares à la façon de certains reptiles et de plusieurs poissons. Les oiseaux, d’après le seul exemple connu, suivent le même mouvement et l’accentuent encore davantage, puisque les caractères de l’oiseau jurassique trouvé à Solenhofen atténuent évidemment la distance qui sépare maintenant cette classe de celle des reptiles. L’archeopterix, tel est le nom de cet oiseau primitif, était pourvu d’une queue véritable, composée de vingt vertèbres et garnie d’autant de paires de longues plumes, qui remplaçait le croupion des oiseaux actuels ; de plus sa main, imparfaitement transformée pour le vol, présentait encore deux doigts libres et armés de griffes au-dessus de celui qui faisait l’office d’aile. L’adaptation de l’oiseau au genre de vie dont il est devenu le type n’était donc pas achevée, plusieurs vestiges d’un état primitif persistaient chez lui jusque dans l’âge adulte ; aujourd’hui ces mêmes vestiges, encore amoindris, ne s’observent plus que d’une façon transitoire, et seulement dans la phase embryonnaire.

Chez les reptiles, les effets du même mouvement sont d’autant mieux visibles que cette classe a conservé longtemps sur les autres animaux terrestres une prépondérance incontestée, et a laissé de