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certains indices, il semblerait que les deux règnes auraient eux-mêmes confiné originairement de fort près. La divergence que les règnes, et après les règnes les classes et les familles, manifestent comme l’effet d’un mouvement qui les aurait poussés dans des directions ramifiées à l’infini, résulte d’adaptations toujours plus marquées, plus variées et plus exclusives. C’est en cela surtout que réside le perfectionnement des êtres, perfectionnement relatif qui n’a rien d’incompatible avec les dégradations partielles, les déviations de toute sorte et l’effacement des caractères anciens remplacés peu à peu par des caractères nouveaux. Sans doute le perfectionnement absolu a été la conséquence de cette marche ; mais, loin d’en être une conséquence forcée et générale, il n’a été départi qu’à certaines séries dont il est devenu l’apanage, et seulement dans une mesure inégale. De là, au milieu de l’immense diversité des êtres, la prépondérance effective de quelques-uns et la lutte établie entre tous, qui profite en dernier lieu aux plus forts et aux plus intelligens.

La paléontologie nous présente une collection d’organismes éteints qu’elle classe dans un ordre chronologique de même que nous disposons par années et par siècles les monumens de l’antiquité. Les notions historiques nous feraient totalement défaut, qu’en voyant les formes de l’art se modifier et passer insensiblement d’un style à un autre, nous n’hésiterions pas à conclure de cette marche qu’une suite de peuples sortis les uns des autres et demeurés en possession d’une tradition constante d’idées, de mœurs et de procédés a pu seule accomplir une œuvre de cette nature. Si l’on venait nous dire alors que cette marche, en apparence si régulière, est cependant le fait de plusieurs races, étrangères l’une à l’autre, qui se sont succédé sur le même sol sans avoir pu ni se concerter ni se connaître, nous nous refuserions d’ajouter foi à une assertion aussi peu vraisemblable. L’impossibilité où nous serions d’assigner une limite exacte à chacune de ces races supposées, la présence d’une foule d’œuvres d’art alliant les tendances de deux époques contiguës, nous paraîtraient avec raison attester la réalité de la première des deux opinions. C’est pourtant la théorie opposée que soutiennent ceux pour qui la nature vivante ne comprend que des espèces créées d’époque en époque, sans relation de parenté avec celles qui les ont précédées ou suivies. Dès lors il faudrait admettre qu’à chaque émission d’espèces nouvelles le plan si étroitement coordonné qui embrasse l’ensemble de la nature organique aurait été laissé, puis repris au point même où il venait d’être subitement interrompu pour être continué sans suture ni lacune visibles jusqu’à parfait achèvement de toutes ses parties. Ainsi l’aurait