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voulu, dit-on, l’auteur de la création elle-même : sit pro ratione voluntas ! — Cette façon de trancher le plus considérable des problèmes prête trop à la critique pour qu’il ne soit pas permis d’y regarder de près et d’en reprendre un à un tous les termes. La paléontologie, non pas cette science purement descriptive qui détermine chaque forme fossile pour l’étiqueter et passer à une autre, mais la paléontologie générale et comparée, en se préoccupant des rapports des êtres entre eux, des caractères inhérens aux diverses populations qui ont jadis habité le globe, de leur raison d’être, de leur façon de se maintenir et de se modifier, se charge forcément d’introduire une question qui d’ailleurs s’impose d’elle-même à l’esprit.

La question des origines de la vie est en effet trop pressante pour être éludée, trop importante pour être négligée, trop haute pour être dédaignée. Vainement objecterait-on que la paléontologie ainsi comprise n’est pas une science assez sérieuse, ni assez ancienne, — que les bases sur lesquelles elle repose n’ont rien d’assez stable pour lui assurer la part qu’elle réclame dans notre enseignement supérieur. On aurait pu tout aussi bien adresser le même reproche à la physique et à la chimie il y a moins d’un siècle. Qu’étaient à la même date la critique historique, l’archéologie monumentale et la linguistique ? La paléontologie procède elle-même comme ces sciences et use des mêmes méthodes. Elle accroît pareillement d’année en année le trésor déjà immense des documens qui lui servent de point d’appui. Chez elle, quoi qu’on en dise, les grandes lignes sont arrêtées ; le cadre existe, il ne s’agit que de le remplir, et de tous côtés on travaille avec ardeur à y parvenir, à en juger par la fréquence des découvertes et l’étendue croissante des perspectives. L’enseignement ne saurait en France se tenir à l’écart d’un mouvement aussi prononcé ; à force d’attendre, on risquerait de laisser passer sans profit pour personne l’heure favorable. Il est évident que les annales de la vie ne viendront pas d’elles-mêmes s’offrir à nous et nous révéler complaisamment leurs arcanes. Comme des inscriptions d’abord incompréhensibles, elles céderont à la fin devant des regards obstinés à en rechercher le sens. Nouveau sphinx, la vie abandonnera le secret de sa destinée à qui saura le lui ravir au prix d’une lutte acharnée. Que notre pays ne renonce pas volontairement à obtenir la palme réservée à cette victoire, qui en vaut bien une autre ! Le labeur de notre avenir national ne consiste-t-il pas désormais à ressaisir le succès partout où il tend à nous devenir infidèle ? Dans le domaine de la science, nous avons aussi une revendication à poursuivre.

Gaston de Saporta.