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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/638

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teur, pour n’être pas inquiété, mentionne souvent le contrat sur son épitaphe; il indique le nombre et la place des niches qu’on lui a cédées, et il a soin de dire que la vente s’est faite en présence des associés pour la rendre plus solennelle. Les gens qui sont enterrés dans ces columbaria appartiennent à des conditions très différentes. Toutes les professions y sont représentées, depuis les esclaves et les plus humbles ouvriers jusqu’à des ambassadeurs d’un roi d’Orient; mais les plus nombreux sont les affranchis des grandes maisons, surtout ceux qui appartiennent à la domesticité impériale. Les columbaria nous donnent quelque idée de cette multitude de gens attachés au service du prince. Tous les métiers qu’on exerçait au Palatin s’y retrouvent. On a même découvert dans celui de la porte Latine la tombe d’un malheureux dont le rôle était bien difficile : il était chargé d’amuser Tibère. C’était un mime fort habile qui, dans son épitaphe, s’attribue l’honneur d’avoir imaginé le premier d’imiter les avocats.

L’autre groupe de collèges funéraires est beaucoup moins connu; c’est seulement de nos jours qu’il a été étudié avec quelque soin. Il comprend des associations très nombreuses qui se distinguent des autres par la façon dont on les désigne ordinairement : leurs membres prennent le nom d’un dieu dont ils se disent les adorateurs (cultores Jovis, cultores Herculis, etc.). On avait cru jusqu’à présent que c’étaient des collèges purement religieux et qu’ils n’étaient institués que pour honorer le dieu dont ils portaient le nom; c’était, il faut l’avouer, une supposition très vraisemblable. M. Mommsen remarqua le premier que toutes les associations de ce genre, que le hasard nous avait fait un peu mieux connaître, se trouvaient être de véritables collèges funéraires; il en conclut que les autres devaient avoir la même destination, et cette conclusion a été confirmée par toutes les découvertes récentes. Pourquoi se sont-elles appelées d’une autre manière que les sociétés qui ont fait construire les columbaria? Par quelles différences dans leur constitution intérieure peut-on expliquer la diversité de leurs noms? C’est ce qu’on ne peut qu’entrevoir. On sait seulement avec quelque certitude que leur époque est un peu différente et qu’elles n’ont pas tout à fait existé ensemble. Les columbaria élevés par des sociétés collectives appartiennent au commencement du Ier siècle de notre ère; tous ceux que nous connaissons ont été construits sous les premiers césars et n’ont servi que jusqu’aux Flaviens. Les collèges du second groupe sont plus récens; on n’en trouve pas de traces dans les inscriptions avant Nerva. Ne doit-on pas admettre qu’à cette date, vers la fin du Ier siècle, au moment où commençait cette ère des Antonins, qui devait être si glorieuse, il s’est opéré un changement dont le caractère nous échappe en partie dans l’organisation des