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nir des explications étaient nettement indiqués. Le programme se bornait à trois questions : d’abord le taux des salaires et le prix des subsistances dans les différens pays, ensuite la situation sanitaire des ouvriers et spécialement l’état des logemens qu’ils occupent, enfin la qualité du travail exécuté par les artisans des diverses contrées. Un bref commentaire venait encore préciser davantage la nature des renseignemens qui étaient requis par le gouvernement britannique. Dans un délai de quelques mois, le ministère reçut quatre-vingt-dix rapports sur la condition matérielle des ouvriers dans trente et un pays différens, depuis le Venezuela ou l’Uruguay jusqu’à l’Egypte ou à la régence de Tripoli. Ce nouvel ensemble de relations vient d’être publié dans un gros volume, qui ne contient pas moins de mille pages. Nous nous proposons d’analyser cette vaste enquête, et d’en faire ressortir les traits principaux. Il s’agit seulement ici de renseignemens positifs ayant presque la forme d’une statistique générale sur les conditions du travail et de l’industrie dans le monde entier. C’est une collection de faits plutôt qu’une série d’appréciations qui nous est offerte par le document anglais. L’on est tellement habitué de nos jours à des publications vagues, à des amplifications oratoires sur ces importans sujets, que c’est une bonne fortune d’avoir sous la main des données qui ne soient pas conjecturales et d’où soit absent tout parti-pris. En passant rapidement en revue la condition matérielle des classes ouvrières dans les divers pays, nous aurons l’occasion de signaler les lois économiques qui déterminent en chaque lieu le taux des salaires et le prix des subsistances.


I.

On n’entend point, dans cette étude, parcourir les trente et une contrées sur lesquelles les consuls anglais nous donnent des informations : ce serait se perdre dans d’arides détails et s’enfoncer dans un labyrinthe où il serait difficile de trouver une issue; il nous suffira de comparer la situation des classes ouvrières dans cinq ou six régions placées à différens degrés de civilisation et de prospérité. Nous partirons de l’Orient, c’est-à-dire de la Turquie, pour aboutir à l’Occident, c’est-à-dire à la Californie. Ces deux pays sont les deux types extrêmes : l’un présente le maximum de la misère, l’autre le maximum de l’aisance pour les populations adonnées au travail manuel. Entre ces deux contrées, si éloignées l’une de l’autre et si dissemblables, nous ferons quelques étapes en Russie, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, dans les états américains qui touchent l’Océan-Atlantique. Ainsi nous n’aurons qu’à marcher en ligne droite de l’est à l’ouest, et, par une coïncidence qui n’est pas