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cipaux marchés financiers de l’Europe, comme elle l’a fait il y a quelques années. Puisqu’elle s’est donné l’occupation d’une prochaine crise électorale, elle aura le temps de réfléchir et de comprendre que la meilleure économie est celle qui garantit les intérêts, de même que la meilleure politique est celle qui donne la sécurité à un pays fatigué de révolutions,

CH. DE MAZADE.




ESSAIS ET NOTICES.

L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE AU BRÉSIL.

La comtesse d’Eu, régente du Brésil pendant le voyage en Europe de son père l’empereur don Pedro II, a promulgué le 28 septembre 1871 une loi importante en faveur de l’émancipation des esclaves. Sans mettre en liberté immédiatement les 1,500,000 esclaves du Brésil, cette loi fait faire un pas considérable à l’abolition de la servitude dans le dernier et le plus vaste territoire de l’Amérique du Sud où se soit perpétuée l’odieuse institution transportée d’Afrique en Europe et du vieux monde au nouveau par les navigateurs et les souverains portugais et espagnols. Après la guerre du Brésil avec le Paraguay, le comte d’Eu avait déjà eu l’honneur de prononcer l’abolition de l’esclavage dans cette dernière contrée, et son nom demeure ainsi deux fois associé à une si noble entreprise.

L’esclavage n’existe plus au Chili, au Pérou, dans les anciennes colonies séparées de l’Espagne, L’empereur du Brésil, publiquement et constamment favorable à l’émancipation, n’avait pas cessé de seconder le mouvement de l’opinion libérale qui depuis longtemps, à Rio-Janeiro et dans tout l’empire, sollicitait ce grand progrès de la justice et de l’humanité. En 1864, il avait affranchi des esclaves à l’occasion du mariage de la princesse impériale et de la princesse Léopoldine. En 1866, il félicitait les bénédictins qui, dans un chapitre général, avaient déclaré libres tous les esclaves, au nombre de 1,600, appartenant à leur ordre. Il répondait, en 1867, à une adresse pressante du Comité français d’émancipation que la réalisation de ses vœux était juste et n’était plus au Brésil qu’une affaire d’opportunité et de forme, et il accordait la liberté aux esclaves qui prenaient du service militaire. Enfin il avait fait présenter par le président du conseil, le vicomte de Rio-Branco, le projet de loi décisif que les représentans du pays, après une longue discussion, très habilement soutenue par le ministre, notamment à la séance