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cune de ces deux moitiés se partage à son tour en deux autres, et la multiplication continue ainsi jusqu’à l’infini.

Constatons immédiatement que tous les végétaux et tous les animaux, sans en excepter l’homme, proviennent invariablement d’un œuf. A son apparition, cet œuf n’est qu’une cellule, une amœbe qui se développe dans un être vivant au lieu de se développer isolément. Déjà nous entrevoyons ce fait capital, que l’origine de chaque être en particulier est identique à celle du règne organisé tout entier. Au moment de la conception, toute plante, tout animal naissant est donc un protiste élémentaire. D’un autre côté, si la terre avait pu conserver les traces des premiers êtres qui ont apparu à sa surface, nous verrions que ce sont des protistes identiques à l’œuf des animaux et des végétaux actuels. La mollesse de leur tissu a entraîné leur perte, mais l’induction la plus légitime nous permet de conclure à leur existence. En résumé, suivre avec Baer le développement d’un animal dans le sein de sa mère, ou s’élever, avec Darwin et Haeckel, de l’être le plus simple au plus composé, ou bien examiner avec Agassiz les fossiles échelonnés dans la série des terrains géologiques, c’est faire des études parallèles et comparatives dont les résultats concordans s’éclairent et se confirment mutuellement. La botanique, la zoologie, la paléontologie, l’embryologie, ne sont qu’une seule et même science, dont la conclusion générale aboutit à l’unité originelle des êtres vivans et à leurs transformations successives dans le temps et dans l’espace. Nous voyons ainsi apparaître dans les sciences naturelles l’unité qui règne déjà dans les sciences physiques. Il y a plus : les forces dites vitales ou physiologiques n’étant que des forces physiques transformées au sein de l’organisme, l’abîme qui existait entre le règne organique et le règne inorganique, entre les corps bruts et les êtres vivans, est définitivement comblé. Une seule science, celle de la nature, embrasse maintenant dans sa majestueuse unité toutes les sciences partielles que la division nécessaire du travail scientifique et l’horizon limité de l’intelligence humaine avaient distinguées jusqu’ici.

Étudions d’abord la série animale actuelle, où nous rencontrerons le plus grand nombre d’êtres connus généralement du lecteur. A la base des deux règnes organisés, on trouve l’embranchement des protistes, créations ambiguës, intermédiaires entre la plante et l’animal. Cet embranchement se détache du tronc commun aux végétaux et aux animaux : il commence par le monère, que nous avons décrit, comprend les diatomées, les rhizopodes, beaucoup d’infusoires, et se termine aux éponges. Immobiles on doués de mouvemens, ces êtres se rapprochent tantôt des animaux, tantôt des végétaux par leurs formes, leurs allures et leur mode de nutrition.