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Chez eux, les sexes ne sont jamais distincts, il n’y a ni mâles ni femelles; la multiplication s’opère par division. Un grand nombre de protistes vivent isolés : tels sont les infusoires; d’autres se réunissent et forment des colonies, comme les éponges.

Abordons le règne animal proprement dit. Tout le monde sait que les animaux constituent une série ascendante qui commence par les plus simples et finit par les plus compliqués. Les anciens zoologistes avaient déjà reconnu que cette série ascendante n’était ni unique ni continue, et qu’elle ne pouvait pas être représentée par une échelle où le polypier serait à la base et l’homme au sommet. En effet, on avait distingué quatre types très bien caractérisés autour desquels un grand nombre d’animaux venaient se grouper naturellement. Zoophytes, mollusques, annelés et vertébrés, telles étaient les divisions générales admises par tous les naturalistes; chacune renfermait un grand nombre de classes, de genres et d’espèces d’animaux très divers en apparence, quoique fort analogues en réalité[1]. Cette analogie s’expliquait en supposant que la nature avait créé les animaux non pas au hasard, mais suivant un plan raisonné, tracé par une intelligence supérieure. Les travaux des zoologistes modernes ont prouvé que l’analogie qu’on observe dans une même classe reconnaissait une autre cause : elle provient de ce que les animaux qui la composent sont tous issus d’un seul et même animal. Prenons pour exemple le groupe des crustacés; il n’en est point où les formes soient plus variées. M. Haeckel a réuni sur une même planche celles des sacculines, cyclopes, lernées, anatifs, limnetis et salicoques. On a peine à se figurer que ces animaux puissant appartenir à un même groupe, tant leurs formes sont diverses ; mais sur une planche placée en regard de la première l’auteur nous montre le dessin de ces mêmes animaux lorsqu’ils sortent de l’œuf. À ce moment de leur existence, leurs formes sont presque identiques et séparées seulement l’une de l’autre par des différences analogues à celles qu’on observe entre les espèces d’un même genre. Toutes ressemblent à un crustacé adulte d’une structure très simple, n’ayant que trois paires de pattes fixées sur la face ventrale d’un disque rond, ovale ou pyriforme, qui représente le corps, et un œil impair placé au-dessus de la bouche; c’est le type le plus inférieur de tous les crustacés, connu sous le nom de nauplius. Tous les crustacés existans, les cloportes, les crabes, les homards, les écrevisses, les anatifs, etc., sont issus de ce crustacé primitif modifié par l’influence séculaire des milieux, l’hérédité des formes acquises et la sélection naturelle. M. Haeckel montre par quels animaux de transition les

  1. Voyez de Quatrefages, Origines des espèces animales et végétales, — Revue du 15 décembre 1868, 1er janvier et 15 mai 1869.