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un disciple plus capable que lui de poursuivre l’œuvre commencée, plus fait par sa parole et sa résolution pour dominer les masses populaires. C’était Thomas Münzer.

Caractère entreprenant et ambitieux, mélange d’hypocrisie et de mysticisme, ce nouveau promoteur de l’anabaptisme s’était signalé de bonne heure par un esprit turbulent et inquiet. N’étant encore que simple étudiant à Halle, il avait ourdi une conspiration contre l’archevêque Ernest de Magdebourg, prince qui jouissait pourtant d’une grande popularité. La méditation assidue de l’Écriture sainte avait conduit Münzer à des idées analogues à celles dont Storch s’était infatué. Son but était l’établissement d’une théocratie qui devait assurer le règne de la justice et le bonheur des classes jusqu’alors déshéritées. Aussi s’adressait-il de préférence aux pauvres, aux ouvriers, aux paysans. Il prêcha d’abord avec succès à Stolberg dans le Harz, sa ville natale ; il passa ensuite dans le Brunswick, puis se rendit à Zwickau, où il trouva Storch, qui l’adopta comme son vicaire. Ils se partagèrent dès lors l’apostolat, et, tandis que le fondateur de l’anabaptisme partait pour Wittenberg, Münzer gagnait Prague. Les idées des hussites et des taborites y conservaient d’assez nombreux partisans. Münzer comptait donc trouver à Prague les esprits disposés à bien accueillir ses opinions, mais il vint se heurter contre les entraves que l’autorité mit à sa prédication, et, dans l’impossibilité d’y constituer une société telle qu’il la rêvait, il abandonna le pays. Les habitans d’Altsdädt le demandèrent pour pasteur à la fin de l’année 1522. Assuré de trouver en Thuringe une liberté qui lui faisait défaut ailleurs, Münzer se hâta de se rendre dans cette petite ville, où ses sermons exaltèrent les têtes, et où pendant deux années il réglait à sa guise tout ce qui tenait au culte et au gouvernement de la commune. Il se donna, comme Storch, pour inspiré. En même temps qu’il prêchait la réforme des mœurs, qu’il s’élevait avec force contre le meurtre, qui se déguisait alors sous la forme des combats singuliers, contre l’adultère et le blasphème, qu’il enseignait le châtiment de la chair, qu’il prescrivait de ne se vêtir que de vêtemens misérables et sordides, de prendre une mine triste et un air de deuil en signe de pénitence, il annonçait la suppression des dîmes, des cens, des redevances, l’abolition complète des servitudes réelles et personnelles, et poussait au renversement de l’autorité. Il se mit à la tête d’une association qui devait agir dans ce dessein, et qui s’intitulait les pieux el les saints. Continuant la campagne iconoclaste qu’avait ouverte Carlstadt, il conduisit aux environs d’Altsdädt plusieurs expéditions contre les crucifix et les images. Enfin il répandait contre Luther, qu’il ne détestait pas moins que les catholiques, les libelles