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l’aide des cartes marines et, des portulans, de la nature du fond de tous ces bassins, depuis la Caspienne et le lac d’Aral jusqu’à l’Océan-Glacial. De pareilles cartes valent de nombreux volumes et représentent aux yeux ce que des mots seraient impuissans à décrire. M. Delesse a fait le même travail pour l’Amérique du Nord, dont l’hydrographie est parfaitement connue, grâce aux nombreux relevés opérés sous la direction de M. Bâche et publiés par la Smithsonian Institution.

Les cours d’eau qui débouchent dans la mer étant les agens principaux de la formation des dépôts littoraux, il est clair que ces cours d’eau entraîneront d’autant plus de matériaux que leur niveau est plus élevé, leur courant plus fort et plus continu. Or les rivières sont entretenues par la plaie et la fonte des neiges. Le régime hyétométrique d’un pays a donc la plus grande influence sur la nature et l’abondance des matériaux qui en composent les dépôts littoraux. C’est ce qui a conduit M. Delesse à construire une carte de France sur laquelle une teinte plus ou moins foncée indique la quantité plus ou moins grande de pluie qui tombe chaque année ; en France cette quantité varie de 40 à 180 centimètres. Cette carte, comme les précédentes, représente une somme énorme de travail, le dépouillement d’un nombre considérable de séries météorologiques, dont les moyennes sont réunies dans un tableau numérique. Les Alpes, les Cévennes et les Pyrénées occidentales sont les régions où il tombe annuellement le plus d’eau, puis viennent le littoral méditerranéen, le plateau central de l’Auvergne, les deux presqu’îles du Cotentin et du Finistère, la Belgique, etc. La région la plus sèche est un carré compris entre Soissons, Troyes, Melun et Épernay. Cette abondance de pluie dans le bassin hydrographique du Rhône et de ses affluens, jointe à la fusion des neiges et des glaciers des Hautes-Alpes, qui suppléent à la sécheresse de l’été, nous expliquent pourquoi ce fleuve charrie jusqu’à la mer des masses énormes de limon : elles ont formé le Delta de la Camargue, qui dans sa progression séculaire empiète sans cesse sur le domaine de la Méditerranée.

Pour compléter son œuvre, M. Delesse n’a pas dû se borner à considérer l’époque actuelle, ni même cette période si courte depuis laquelle l’homme habite sur la terre. La mer qui environne nos côtes, le sol que nous foulons, datent d’hier. Il n’est pas démontré que la Méditerranée soit antérieure à l’apparition de l’homme. Les rapports si intimes de la faune et de la flore du midi de la France, de l’Italie et de l’Espagne, avec la faune et la flore de l’Algérie, démontrent des connexions qui ne remontent pas au-delà des époques les plus récentes. Il était donc intéressant au plus haut degré de reconstituer les mers anciennes qui ont recouvert et formé notre sol, car les terrains stratifiés sont les dépôts consolidés des mers anciennes, dépôts en tout semblables à ceux qui se superposent actuellement au fond des mers. Étudier ces dépôts, c’est chercher à comprendre comment se sont formées les couches stratifiées