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précédemment combiné, en ce sens que des Pallières serait le corps actif, » tandis que d’Aurelle représenterait la diversion ou l’action auxiliaire. On ferait passer au général Martin des Pallières par la voie de terre 15 ou 18,000 hommes de ceux qu’on avait si péniblement amenés à Blois, et avec ce supplément de force, portant son corps à près de 50,000 hommes, des Pallières, descendant toujours de Gien par la forêt, se chargerait de l’attaque principale d’Orléans. De son côté, le général d’Aurelle, avec ce qui lui resterait et avec quelques forces qu’il appellerait du Mans, se présenterait pour faire une démonstration « de manière à tenir en éveil les forces prussiennes massées autour de Patay, » à l’ouest d’Orléans. Ce n’était pas plus compliqué que cela ! Si ce projet n’était pas une fantaisie, il cachait l’arrière-pensée de déplacer le centre de l’action militaire, pour diminuer le rôle du commandant en chef. Le général d’Aurelle, sans s’y méprendre peut-être, faisait observer tranquillement que l’expédition, telle qu’on la proposait, avec les mouvemens de troupes qui étaient nécessaires, exigeait au moins treize jours, que pendant ce temps le prince Frédéric-Charles, avec lequel il fallait compter désormais, arriverait sur la Loire et qu’alors tout serait impossible, tandis que l’opération, telle qu’elle avait été conçue d’abord, avait le mérite d’être simple, tout aussi efficace, et de pouvoir commencer sur-le-champ. Tout se débrouillait enfin, l’insuccès définitif des négociations de Versailles, connu sans doute le 6 novembre, levait tous les doutes, on s’en tenait au plan qui avait été primitivement convenu, et M. de Freycinet, dans un mouvement qui valait mieux que toutes ses combinaisons, écrivait au général d’Aurelle : « Bonne chance et à la grâce de Dieu ! vous portez en ce moment, général, la fortune de la France… »

Une chose curieuse, c’est que malgré tout les Allemands n’avaient pas vu bien clair dans ces agitations et ces concentrations de troupes dont Blois était devenu le centre depuis quelques jours ; ils ne croyaient pas à l’armée de la Loire. La 22e division prussienne ou hessoise, qui avait d’abord suivi le général von der Tann à Orléans, avait été rappelée autour de Chartres, et elle y était encore avec la 4e et la 6e division de cavalerie, faisant face au Perche, à Vendôme, à la route du Mans. Von der Tann était resté seul à Orléans avec son corps bavarois et la 2e division de cavalerie, qu’il tenait toujours en mouvement pour faire croire à des forces plus considérables que celles qu’il avait réellement. Quoiqu’il eût déjà rencontré de la résistance autour de lui, il ne se doutait peut-être pas de ce qui se préparait, et il ne semble pas notamment avoir démêlé, au moins dès les premiers momens, le passage de deux divisions du 15e corps sur la rive droite de la Loire. L’immobilité des