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prévisions d’un chef militaire, et viennent annuler d’un seul coup le succès le plus vaillamment conquis. D’où venait ce contre-temps ? Il venait tout simplement de Tours, d’une de ces interventions irréfléchies, décousues, irritantes, par lesquelles le gouvernement exerçait sa trop féconde initiative. Le commandant en chef avait donné l’ordre au général Camò d’occuper fortement avec sa division le ravin de Vernon, en avant de Beaugency, à l’extrême droite de l’armée, et de s’y défendre à tout prix. Inquiet de ne recevoir aucune nouvelle de ce côté, il avait expédié des officiers qui ne rentraient qu’à onze heures du soir et qui lui apprenaient que non-seulement le général Camò n’était plus sur ses positions, mais qu’il avait quitté Beaugency, que ce mouvement s’était accompli sur un ordre direct du ministère de la guerre, confirmé par un officier du génie envoyé tout exprès. Ni le commandant en chef ni l’amiral Jauréguiberry n’en savaient rien. C’était bien la peine d’avoir eu, quelques jours auparavant, la bonne idée d’envoyer le général Camò, — pour lui donner un tel ordre au moment du combat ! Ce contre-temps, qui découvrait la droite de l’armée, inspirait au général Chanzy une vive et amère surprise, qu’il ne cachait pas du reste et qu’il laissait très suffisamment percer en écrivant d’un ton assez sec au ministre de la guerre, à onze heures et demie du soir : «… Je viens seulement d’apprendre que le général Camò, contrairement aux ordres formels que je lui avais donnés, et prétendant obéir à ceux que vous lui auriez adressés directement par un capitaine du génie envoyé de Tours, s’était retiré dans l’après-midi de Beaugency, qui a été occupé à la nuit par une troupe mecklembourgeoise se glissant le long de la Loire. Je regrette vivement cet incident, qui a terni le succès de la journée. » Le résultat était en effet tel que le disait le commandant en chef, l’ennemi s’était glissé à Beaugency, qu’il occupait avec la 1ère division d’infanterie. Vainement le général Chanzy se hâtait de prendre des mesures pour faire enlever de nouveau la ville par l’amiral Jauréguiberry et par le général Tripart, qui remplaçait le général Camò, blessé d’une chute de cheval : il n’était plus temps, le mal était fait ; les avantages de la journée du 8 se trouvaient ainsi compromis.

Beaugency une fois perdu, il ne restait plus qu’à se replier, à se retrancher dans des positions nouvelles, si l’on voulait continuer cette lutte pleine d’émouvantes et obscures péripéties. Malgré tout, le général Chanzy ne se décourageait pas. Il se disait que la ténacité à la guerre est souvent le meilleur moyen de lasser la mauvaise fortune, il s’efforçait de relever le moral de ses soldats en leur montrant, par ce qu’ils venaient de faire, qu’ils pouvaient résister à l’ennemi ; il suppléait à tout, réduit un instant à faire commander