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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/119

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troupeaux ; ils fixèrent aussi le jour où il serait permis de descendre à la plaine. Les habitans de Rosna, sans se conformer aux prescriptions arrêtées, menèrent tout de suite paître leurs agneaux ; aussitôt les gens des quatre autres villages se précipitèrent sur eux et tuèrent quelques pièces de bétail. L’été se passa en querelles, mais sans qu’il y eût mort d’homme. L’année suivante, dix hommes de Rosna rencontrèrent un berger de Zouvara, qu’ils attaquèrent et qui blessa l’un d’eux grièvement. La guerre était commencée.


« Ainsi, dit en terminant le prêtre à qui nous devons ce récit, six hommes étaient déjà morts pour quatre agneaux. Quatre jours se passèrent ; Rosna, ayant réuni une grande multitude, assaillit de nouveau ces catholiques. Les autres hameaux vinrent au secours des nôtres, nous perdîmes un mort, les schismatiques quatre. Les choses étant dans cet état, les Grecs (Slaves orthodoxes) comprirent combien il serait difficile de nous chasser comme ils voulaient le faire. Ils recoururent donc à la ruse, et, se servant de quelques catholiques, leurs amis, ils firent promettre aux nôtres que, s’ils voulaient abandonner leurs maisons, en feignant de se défendre, pour que leur honneur fût satisfait, ils les respecteraient et se soumettraient au jugement des vieillards, comme ils ont coutume de le faire dans leurs discussions. Les nôtres de Zouvara acceptèrent, mais, à peine furent-ils sortis de leurs maisons, que les Grecs y mirent le feu et abattirent tous les arbres à fruits. A la suite de cette trahison, une nouvelle bataille eut lieu, dans laquelle les Prémitchi se rangèrent du côté de Rosna et marchèrent sur Lédina, où les nôtres s’étaient réfugiés. Les habitans de Gruda, le voyant, vinrent à leur secours et firent un grand carnage. Dans cette affaire, un des nôtres ayant été blessé à la cuisse et ne pouvant se retirer, les schismatiques lui taillèrent lâchement la tête, comme s’il était un Turc. À cette vue, les nôtres, devenus cruels, se précipitèrent sur eux, coupèrent deux têtes, et, si la nuit n’était survenue, Dieu sait ce qui serait arrivé !

« Quelque temps après, les Grecs attaquèrent de nouveau les deux hameaux confinant à Gruda. Voyant qu’ils ne pouvaient rien contre eux, parce que les habitans s’étaient renfermés dans leurs maisons, d’où ils faisaient feu, ils assaillirent le village de Donosei. Les gens de Gruda, à qui il appartenait, accoururent aussitôt, et, bien qu’ils fussent en nombre fort inférieur, car on pouvait compter vingt schismatiques pour un des nôtres, ils en firent une grande boucherie, les poursuivirent longtemps et leur coupèrent deux autres têtes, ce qui fait quatre aux Grecs, qui n’en ont qu’une des nôtres.

« Les Grecs comptent 30 morts et des blessés en quantité ; les nôtres 12 morts et peu de blessés, tous guéris[1]. »

  1. Cette lettre a été publiée pour la première fois par M. Hyacinthe Hecquard dans un livre exact et consciencieux, où on trouve beaucoup à apprendre, Histoire et Description de la Haute-Albanie.