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il ne tarderait pas à en être puni. Le pays en aurait peur, et de dégoût se rejetterait, par-delà la royauté constitutionnelle, jusque dans les bras du despotisme impérial.

Bien des gens voient dans la turbulence naturelle au parti républicain le signe d’une scélératesse profonde et d’une haine féroce contre la société. C’est plutôt une infirmité passagère, une mauvaise habitude empruntée aux circonstances, et que les circonstances devront corriger. Les mauvais penchans du parti républicain tiennent à son passé, à ses précédens, à son inexpérience, à sa mauvaise éducation politique. Sous toutes les monarchies que nous avons eues, ce parti a toujours été plus ou moins en guerre avec la loi, partant toujours maltraité, toujours proscrit. Il a contracté l’habitude des revendications violentes, et s’est accoutumé à regarder l’acquisition du pouvoir comme une revanche passagère dont il faut jouir à la hâte en attendant les revers. Ayant presque toujours appartenu à l’opposition, il s’est exercé à exciter les passions au lieu de les apaiser. Enfin il a pris les défauts révolutionnaires : une excessive confiance dans les mots et dans les formules, un penchant généreux, mais naïf, à croire qu’il suffit de vouloir les choses et de les proclamer pour qu’elles soient faites, un esprit exclusif et jaloux, une disposition soupçonneuse, fruit des longues persécutions qu’il a souffertes, un grand dédain des traditions et des formes légales, une certaine ignorance des conditions réelles du gouvernement, surtout une tendance orgueilleuse à tout réformer, à tout condamner, à ne voir dans nos sociétés, telles qu’elles sont faites, qu’un amas d’iniquités à détruire. En un mot, pourquoi ne pas le dire ? les travers du parti républicain ont plus d’une analogie secrète avec ceux du parti légitimiste. Tous les deux sont exclusifs, fanatiques, un peu sectaires ; tous les deux sont un peu les esclaves d’une mauvaise tradition démodée qu’ils devraient rejeter bien loin dans le passé auquel ils l’empruntent. De même que les légitimistes se rattachent aux souvenirs de l’ancien régime bien plus qu’à l’entreprise avortée de la restauration, les républicains, ne pouvant s’appuyer sur l’épreuve éphémère de 1848, remontent jusqu’à la convention pour y prendre leurs modèles. C’est là, dans les exemples d’un temps, Dieu merci, bien différent du nôtre, qu’ils s’obstinent à trouver des leçons pour leurs hommes d’état. C’est dans les sentimens faussement dramatiques, dans les passions démesurées de cette époque à la fois admirable et infâme, dans ce mélange d’héroïsme et de crime qui étonne et confond le jugement de l’histoire, que beaucoup de nos républicains s’amusent encore à chercher leur idéal politique : anachronisme absurde, qui alarme justement le pays et qui compromet à ses yeux la république. La