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fisant de bonnes volontés sincères et désintéressées, ce ne sera pas facile d’arriver à des combinaisons qui puissent mettre d’accord tant d’opinions diverses ; mais il y a une chose qui domine tout : c’est la nécessité, et le patriotisme doit faire le reste.

Qu’est-ce donc après tout que la politique, si ce n’est la recherche de ce qui est possible dans une situation aussi complexe et aussi douloureuse que celle où se débat notre pays depuis deux ans ? Ce qui est possible aujourd’hui, on le sent, on le voit, c’est évidemment la régularisation de ce qui existe, c’est l’affermissement d’un régime qui a donné à la France la paix extérieure, la paix intérieure, et qui au milieu des difficultés les plus inextricables a entrepris cette œuvre immense de la libération du territoire. Comment ce régime peut-il être affermi et régularisé ? C’est l’assemblée qui l’a créé sous l’influence des plus pressantes nécessités publiques, c’est par l’assemblée qu’il peut prendre un caractère plus précis ou plus définitif, si l’on veut. Qu’il s’appelle la république conservatrice ou la république sans épithète, cela importe vraiment assez peu. L’essentiel est que ce soit un régime protecteur de toutes les sécurités et de tous les intérêts, ayant en lui-même une force de préservation contre tous les entraînemens et tous les excès. Tel qu’il est, tel qu’il peut être constitué, ce régime a cela pour lui qu’il est le seul possible au moment où nous sommes, qu’il existe déjà, qu’il n’y a qu’à se servir des moyens dont on dispose pour l’organiser sans secousse, sans ébranlement, sans exposer le pays à des crises nouvelles en face de l’étranger, sans braver le péril d’une dissolution prématurée de l’assemblée.

Est-ce qu’on peut faire autre chose aujourd’hui ? Est-ce qu’il y a un autre moyen sérieux et pratique de procéder dans les conditions où se trouve la France ? Oui, sans doute, disent les uns, le moyen existe, on peut faire mieux que la république, on peut restaurer la monarchie. La question est de savoir comment on ferait pour restaurer cette monarchie, qui depuis deux ans s’épuise à se discréditer par son impuissance querelleuse et à gaspiller les chances qu’elle a paru avoir un instant. D’honnêtes légitimistes ont souvent accusé M. Thiers et ils l’accusent encore d’être le plus grand obstacle au rétablissement de la royauté traditionnelle. M. Thiers, il est vrai, ne s’est jamais donné pour un légitimiste d’une irréprochable orthodoxie, et au milieu des travaux qui l’assiègent il n’a peut-être pas eu le temps de songer beaucoup à une restauration de la monarchie traditionnelle ; mais sûrement ce n’est pas lui qui depuis deux ans a fait le plus de mal à la cause de la royauté. Si cette cause a été compromise, elle l’a dû surtout aux royalistes et à M. le comte de Chambord lui même. Personne au monde ne peut méconnaître la loyale honnêteté, l’élévation des sentimens d’un prince qui supporte si noblement l’exil depuis quarante-deux ans. Il faut bien l’avouer ce-