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connu du public, j’ai beaucoup entendu et beaucoup lu sur cette question du cens, et je déclare que pas un district, pas une localité n’a déclaré qu’il était trop bas ; au contraire, on m’a reproché en beaucoup d’endroits qu’il était trop haut. Des magistrats municipaux de la Nord-Hollande, où le cens est fixé de 40 à 50 florins, m’ont écrit que, s’il était abaissé à 20 florins, cela ne ferait pas inscrire un seul électeur incapable. Un des premiers propriétaires fonciers de la Guèldre, qui connaît cette province mieux que personne, m’a affirmé que les paysans gueldrois payant 10 florins de contribution directe, seraient encore des électeurs très acceptables. Quand je pèse tout cela, quand j’observe surtout que pas une plainte ne nous est parvenue d’aucun district, d’aucune localité déterminée, alors je crois pouvoir maintenir que le principe adopté est bon. La seule chose dont on ait argué dans toute cette discussion pour prouver le contraire serait que, si l’on adopte le cens proposé, il y aura 100,000 électeurs dans le royaume, et que ce nombre est trop grand. Messieurs, s’il se trouve 100,000 électeurs capables dans notre pays, c’est à mon avis une raison de nous réjouir et non pas de nous plaindre. »


Cela continue sur ce ton ; des faits, des calculs positifs, la froide réalité présentée de manière à montrer l’inanité des craintes ou des objections émises, telle est la méthode constante. Ajoutons que la loi fut votée à une majorité de plus des deux tiers.


III.

Notre intention n’est pas de suivre Thorbecke tout le long de sa carrière parlementaire ; le détail, pour d’autres que des Hollandais, offrirait peu d’intérêt. Il suffira de rappeler les principaux événemens qui signalèrent la période de 1849 à 1872.

Thorbecke n’était ministre que depuis quelques mois quand le roi Guillaume II fut frappé d’une apoplexie suivie d’une prompte mort. On ne sait trop ce que fussent devenues ses relations avec lui, si elles avaient dû se prolonger. Son fils Guillaume III, le roi actuel des Pays-Bas, fut couronné le 12 mai 1849 à Amsterdam, et prêta serment à la nouvelle constitution. Ce n’est pas manquer au respect dû à une tête couronnée que de constater l’honnêteté scrupuleuse avec laquelle le roi Guillaume II a tenu le serment prêté par lui à une loi fondamentale que, selon toute apparence, il n’aimait pas. Il est impossible de se montrer plus correct dans sa conduite comme roi constitutionnel, et cela fait d’autant plus l’éloge de ce prince qu’avec moins de loyauté, spéculant sur l’espèce de dévotion religieuse qu’inspire la maison d’Orange au peuple néerlandais, il au-