effet était une conception tout orientale, dont la Grèce elle-même n’eût pas voulu dans ses beaux jours, et contre laquelle luttèrent les Démosthène et les Phocion. Si Antoine l’eût emporté, la monarchie serait résultée de sa victoire. La victoire d’Auguste impliquait au contraire le maintien des anciennes formes politiques et sociales. Effectivement on conserva d’une manière jalouse les magistratures comme les classes. Il y eut, comme par le passé, des plébéiens et des patriciens, des sénateurs et des chevaliers, des consuls et des préteurs. Le prince ou empereur se contenta d’une délégation multiple et temporaire : son pouvoir était illimité, mais sans formule. Cependant cet Orient que l’on voulait éviter, même au prix de la liberté, continua d’exercer une fascination irrésistible. On ne peut s’expliquer le régime impérial, depuis l’avènement de Tibère jusqu’à la mort de Néron, qu’en le considérant comme le mélange des procédés aristocratiques, si en honneur de tout temps chez les Claudius, et des procédés monarchiques de l’Asie grecque. Il y avait là une étrange combinaison de l’autorité du père de famille et du patron d’une part, de celle du despote et du tyran de l’autre. Dans cet amalgame, c’est l’Orient qui prévalait de plus en plus sur l’Occident. Tacite nous raconte comment Vespasien fut consacré par les superstitions égyptiennes et regardé à Rome comme un être surnaturel.
Rome elle-même était envahie par les Asiatiques, depuis que les cours d’Alexandrie, d’Antioche et de Pergame avaient disparu. Odi grœcam urbem ! s’écrie Juvénal en parlant de la capitale de l’empire ; mais il faut bien se garder de la déclamation, si facile et si habituelle dans un pareil sujet. Le satirique nous apprend lui-même que de la Grèce et de la Syrie venaient non-seulement des acrobates, des magiciens, des captateurs de testament, mais des rhéteurs, des médecins, des artistes ; pour être juste, il faudrait ajouter : des historiens et des hommes d’état. Certes la renommée d’un Arrien, d’un Appien, d’un Dion Cassius n’a pas besoin d’être défendue. Le grec, — c’est là un fait bien significatif, — devient la langue des sciences, de la philosophie et même de la politique ; le latin, déchu littérairement, ne conserve comme domaine propre et inaliénable que le droit. Le droit lui-même est singulièrement modifié par les idées grecques. L’école grecque de Béryte est une pépinière de jurisconsultes romains. L’un d’entre eux, Papinien, est le véritable auteur du célèbre décret, signé par Antonin Caracalla, qui conférait à tous les hommes libres de l’empire le titre de citoyen. L’hellénisation de Rome produit les règnes d’Adrien, de Marc-Aurèle et d’Alexandre Sévère. Le premier fait en personne, dans tout l’empire, une enquête perpétuelle dont ni les proconsuls ni les