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empereurs ne lui avaient donné l’exemple. Marc-Aurèle apporte dans son gouvernement une générosité, une largeur de vues, que l’on rencontre à un égal degré chez les philosophes grecs, mais nullement chez les hommes d’état romains. Alexandre Sévère, accueillant tous les dieux dans son panthéon, est encore plus Grec et moins Romain que Marc-Aurèle lui-même. La Rome des empereurs syriens, avec son Héliogabale, nous inspire une vive répulsion ; mais à cette époque même, à côté d’une honteuse dépravation des mœurs et de la démence du pouvoir, subsistent et se développent les idées fécondes qui sont le patrimoine indivisible des sociétés modernes.

A la mort de Philippe l’Arabe, le Syrien, ou plutôt le Grec (249), Rome, si justement stigmatisée par Lucien, prit la résolution de réagir contre les influences étrangères ; elle demanda un censeur qui se chargeât de l’épurer. Cette épuration se fit naturellement, sans violence, quand le voluptueux Gallien eut laissé surgir de tous les côtés des empereurs ou tyrans. L’Italie resta longtemps séparée des provinces. Les Grecs quittèrent Rome, pour Palmyre d’abord, puis pour Nicomédie. Redevenue maîtresse d’elle-même, la ville éternelle chercha par tous les moyens à ramener les temps de l’heureux Auguste, du vertueux Trajan ; il ne lui fut donné que de s’isoler tous les jours davantage des provinces dont elle avait été le lien. Son sénat réorganisé eut bien la satisfaction de proclamer quelques empereurs semblables à ceux dont il conservait la mémoire ; mais il ne fut pas en son pouvoir de les faire durer. Après bien des efforts stériles, il dut se contenter d’administrer souverainement une ville où les princes ne venaient plus guère que pour célébrer leurs triomphes.

La Grèce asiatique n’avait jamais compris les réticences et les nuances infinies du système impérial romain ; le régime qui prévalait en Perse sous les Sassanides (222 après Jésus-Christ) était plus à sa portée. De l’imperator, elle fit un autocrate, du princeps un despote. La domination des femmes et des eunuques, qui indignait Rome, lui sembla naturelle, parce qu’elle s’était familiarisée avec l’histoire des Sémiramis, des Bagoas, etc. ; mais la grande idée romaine, l’idée d’unité, si bien exprimée par ces locutions orbis romanus, majestas romana, pax romana, fit sur elle une durable impression. Elle emprunta également à Rome ses formules et ses procédés d’administration. — Nous venons de résumer en quelques lignes le système politique de Dioclétien.

Une révolution religieuse avait été la conséquence nécessaire de la révolution politique que nous avons retracée. Les divinités égyptiennes, syriennes, grecques, latines et celtiques, jadis ennemies,