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théologie, sa hiérarchie politique et religieuse, — avec ses eunuques, ses courtisans et ses moines, — Byzance ne pouvait exercer d’action puissante et durable que sur la région orientale ou gréco-asiatique de l’empire romain. Constantinople inspirait une profonde répugnance à l’Occident latin, qui raillait sans pitié « ces empereurs affublés de la tiare, ces impératrices régnantes, ces sénateurs byzantins, ces quirites grecs, ces eunuques consuls, » Rome avait bien connu tout cela, alors qu’elle était, sous les empereurs syriens, une sorte de Byzance païenne ; mais elle en avait perdu jusqu’au souvenir. Elle avait dernièrement raillé Constance, impassible sous les ornemens impériaux qui l’accablaient, elle qui applaudissait, cent cinquante ans auparavant, aux cérémonies mystiques du pontife d’Emèse, Héliogabale. Ainsi Constantin, contrairement à toutes ses intentions, avait précipité la scission de l’Orient et de l’Occident.

L’empire d’Orient, qui retiendra le nom de bas-empire, présentait un ensemble ethnographique et géographique harmonieux. Les territoires étaient admirablement distribués autour d’un centre unique, Constantinople : deux grandes péninsules, l’une européenne, l’autre asiatique, unies plutôt que séparées, au nord par, une série de détroits, au sud par l’Archipel ; au-delà, deux grandes mers, la Méditerranée et le Pont-Euxin, symétriquement disposées, facilitaient les communications avec les lointaines régions de la Syrie et de l’Égypte, de la Crimée et du Caucase. Partout l’élément grec prévalait, mais très diversement nuancé, suivant les races et les climats.

Caractérisons brièvement les parties essentielles de l’empire byzantin. Il faut ici distinguer cinq groupes de populations : 1° les Hellènes autochthones, sur les deux rivages de la mer Egée. Ils occupaient une position considérable au cœur de l’empire. Ils avaient pour centre principal Athènes, tenue, comme toute la Grèce, en suspicion à cause de ses rhéteurs et de ses philosophes dévoués « à l’hellénisme. » 2° Les anciens Pélasges, dans la Thrace, la Bithynie, la Phrygie, formant la majorité des habitans de Constantinople. Ce sont eux qui fournissaient à l’Orient la plupart de ses empereurs. Ils étaient impétueux et bruyans. C’est dans ces contrées qu’avaient pris naissance les mythes des muses, des bacchantes et de Cybèle, les bacchanales, les orgies, l’enthousiasme et les mystères des corybantes ; l’exquise délicatesse « des Hellènes » leur faisait défaut. 3° Les Cappadociens, d’origine sémitique, avaient été de tout temps une nation superstitieuse, qui, après avoir pratiqué une religion, mélange de mazdéisme et d’hellénisme barbare, s’était vouée à un christianisme orthodoxe. Dès avant leur conversion, ils avaient un souverain pontife investi d’un pouvoir presque