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le pardon de l’évêque martyr. Cette réhabilitation et ce triomphe de Chrysostome, demandés par le peuple, volontairement concédés par l’empereur, annonçaient de profondes modifications dans les rapports de l’église, et plus particulièrement du patriarche de Constantinople, avec l’état. Avant de les indiquer, il nous reste à considérer sous un second et non moins curieux aspect la vie et les œuvres de saint Jean Chrysostome.

Les écrits du grand archevêque nous permettent d’étudier à fond le caractère byzantin, objet de tant de critiques et de si peu de recherches sérieuses. « Fourbe comme un Grec du bas-empire, » dit le proverbe. « La lâcheté, la paresse, la mollesse des nations de l’Asie, se mêlèrent dans la dévotion même, » s’écrie Montesquieu. Il a raison dans une certaine mesure. A ne considérer que cette longue série d’eunuques, de courtisans, de parasites, de sycophantes, il est impossible de ne pas porter un jugement sévère sur le monde oriental. La haute société s’y montre bien plus corrompue que dans nos civilisations modernes. Où trouver ailleurs que dans l’empire byzantin un clergé, un épiscopat tel que celui qu’on vient de décrire ? Cette concession faite, disons immédiatement qu’il y aurait injustice, ici comme partout, à tirer de faits même nombreux une conclusion par trop générale. Si on a bien compris ce monde gréco-asiatique, on ne s’étonnera pas de rencontrer, à côté des vices les plus honteux, les vertus qui honorent le plus l’humanité. Ces expressions : enthousiasme, sympathie, philanthropie, cosmopolitisme, sont des expressions essentiellement byzantines. On les chercherait vainement dans le langage de Rome, si dure envers elle-même et envers les autres. Une remarque qui n’échappera pas aux lecteurs de M. Amédée Thierry, c’est que les femmes exerçaient une influence profondément salutaire dans Constantinople. A l’impératrice Eudoxie, à ses immodestes et intrigantes amies Marsa, Castricia et Eugraphia, s’opposent, dans un rang non moins élevé, les Salvina, les Ampructé, les Pentadia, les Nicarète, les Olympias. Qu’on les compare à leurs pères, à leurs époux, et l’on verra que le culte rendu à Marie, à la παναγία, avait fait briller aux yeux des Grecques un idéal qui les conviait à la vertu. Nicarète, la vertu victorieuse, devint le médecin de tout Constantinople, qui disait avec une naïve confiance : « Les remèdes de Nicarète guérissent toujours. » Olympias est la parfaite Byzantine ; c’est, à tous les points de vue, l’idéal de la femme. Une distinction patricienne donne je ne sais quoi d’achevé à ses vertus, toutes natives pour ainsi dire, mais singulièrement facilitées et développées par le christianisme. On remarquait en elle « une beauté merveilleuse, un caractère affable et doux, un esprit élevé, enthousiaste