Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/867

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un nouveau commandant qui venait prendre possession de la station. Destiné à devenir successivement contre-amiral, chef du personnel au ministère de la marine, vice-amiral, enfin, quand une révolution lui eut inspiré le désir de se tenir à l’écart, directeur-général du dépôt des cartes et plans, M. Halgan est assurément l’officier qui, avec l’amiral de Rigny, ait jeté sur les affaires de la Grèce le regard le plus perspicace. Nous le retrouverons au mois d’août 1821 dans le Levant. Ce seront alors les dépêches du contre-amiral Halgan qu’il faudra consulter, ce seront ses prévisions seules qu’il faudra croire ; le conseil des ministres, le roi lui-même, y puiseront leurs meilleures inspirations. Du mois de septembre 1817 au mois d’avril 1818, la mission du commandant de la Cléopâtre eut moins de portée. Tout semblait sommeiller encore sur cette terre, pareille à la prairie qui recouvre le flot déjà bouillant de lave. Les officiers de la Cléopâtre, après avoir parcouru une partie de l’Asie-Mineure, mouillé devant Ténédos, relâché pendant quelques jours à Athènes, ne rapportaient de cette intéressante revue que des impressions de poètes et d’artistes. La poésie, il faut bien le dire, a toujours compté des adorateurs dans le personnel de la flotte. C’est une faiblesse qui ne date pas de nos jours. Le comte d’Estaing, à la veille du combat de La Grenade, faisait « gémir la presse » en l’honneur de la marquise de Bouillé, et tous les aspirans de la restauration ont chanté les couplets du capitaine Grivel :

Lorsque l’amour voulut livrer bataille…

Quel charme ! quelle aubaine pour de gais jeunes gens encore tout imbus des naïves traditions du collège de pouvoir visiter avec de tels guides cette Athènes qu’aucun Français vivant n’avait contemplée, de passer des plaines de la Troade et des bords du Scamandre aux rives sur lesquelles s’épand le platane d’Hippocrate et s’ouvre le port de Gnide, de débarquer à Jaffa et d’aller, comme de nouveaux croisés, adorer le saint sépulcre ! L’amour de l’antiquité fit un instant diversion aux préoccupations du matelotage et aux ardeurs de l’astronomie, car l’astronomie aussi avait ses adeptes. Les plus vaillans officiers s’adonnaient, avec une ferveur qui ne s’apaisa que quelques années plus tard, au culte des distances lunaires. C’est en ce moment que le capitaine Gautier, sur la gabare la Chevrette, déterminait dans toute l’étendue du bassin oriental de la Méditerranée, de Toulon jusqu’aux extrémités des côtes de Syrie et de Caramanie, une série de positions géographiques sur lesquelles les hydrographes qui l’ont suivi n’ont fait qu’appuyer leurs travaux ; ils n’ont rien trouvé à y reprendre. Du mont Saint-Élie de