gradué ; mais ces lunettes, ce cercle, étaient chaque fois arrêtés par des vis ; la pression de ces vis n’était pas la même ; de là des déplacemens variables qui annulaient les avantages de cette répétition des angles. Dans les instrumens modernes, le cercle seul tourne à frottement au dedans d’un autre cercle qui lui est concentrique, on ne le fixe pas avec des vis, et on mesure chaque angle autant de fois qu’on le juge nécessaire sur toutes les parties de la circonférence. Autre exemple : l’artiste a pris les précautions les plus minutieuses pour que l’axe optique de la lunette coïncide avec celui de l’instrument. Il a réussi ; mais le géodésien suppose le contraire, et retourne l’instrument à chaque série d’observations pour s’affranchir de cette nouvelle cause d’erreur. C’est ainsi, en annulant toutes celles que l’esprit le plus soupçonneux peut imaginer, que les astronomes et les géodésiens se rapprochent de plus en plus de l’exactitude absolue. Plus les distances sont grandes, plus les moyens de mensuration doivent être parfaits. Si je ne craignais d’aborder des détails trop techniques, je pourrais indiquer encore un grand nombre de perfectionnemens introduits dans la géodésie moderne ; j’essaierais par exemple de faire comprendre comment l’altitude du Canigou a été déterminée à l’aide de mesures angulaires réciproques et rigoureusement simultanées par MM. Bassot et Penel. Je me bornerai à dire que ces observations, éliminant les erreurs dues à la réfraction terrestre, ont confirmé l’exactitude du nombre 2 785 mètres, obtenu par le colonel Corabœuf.
Souvent les opérations géodésiques sont difficiles et même impossibles avec les anciens signaux, parce que l’horizon n’est pas bien pur et paraît comme enfumé, bien que le ciel soit parfaitement serein. Dans la journée du 25 août, nous fûmes témoins d’un phénomène optique analogue encore inexpliqué, quoique bien connu des météorologistes qui ont séjourné sur des sommets élevés ; je veux parler du brouillard sec, fumée d’horizon, hâle des Suisses, Hœhenrauch des Allemands, callina des Espagnols, kobar des habitans de l’Abyssinie. Le ciel est pur, l’air calme, le baromètre haut, l’hygromètre au sec. Le touriste confiant gravit courageusement la montagne dans l’espoir de jouir au sommet de la vue étendue promise par son guide. Après plusieurs heures de fatigue, il arrive au sommet : ô déception ! au-dessus de sa tête, le ciel est toujours pur, pas un nuage n’en trouble l’azur, les objets rapprochés sont parfaitement visibles ; mais plus loin, à quelques lieues et surtout à l’horizon, une fumée rougeâtre enveloppe tous les objets, les contours des montagnes sont indécis, et les cimes semblent surgir d’une mer de brouillard. La vue même de la plaine est indistincte et comme brouillée, on dirait un tableau effacé ou inachevé. C’est le hâle, c’est la fumée d’horizon, étudiés par de Saussure en