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aujourd’hui vous savez exactement à quoi vous en tenir : tout est réglé, et vous vivez en paix. L’administration nouvelle vaut donc mieux que l’ancienne. Les fusils que les Français ont donnés aux miliciens vos camarades sont bien préférables aux vôtres, et vous n’ignorez pas que les Français ont des fusils bien préférables à ceux des miliciens. Le gouvernement des nouveaux maîtres est plus sage que celui des Annamites, leurs armes sont plus redoutables que vos armes, leur religion doit être meilleure que la vôtre, et vous ne pouvez que gagner à la suivre. » Chacun se rendit à l’évidence, et le missionnaire eut gain de cause.

La morale de cette histoire est simple. L’Annamite a besoin de raisons palpables pour être convaincu ; lorsque les avantages de nos idées se présentent à son esprit sous la forme d’un résultat bien net, il s’y range volontiers, et sa confiance grandit d’autant pour l’avenir. C’est ce qui attend l’extension de la culture de la canne et la manipulation soumise aux procédés européens. Déjà le mauvais vouloir et la défiance des propriétaires de la province de Bien-hoa ont en grande partie disparu ; les récoltes, qu’ils refusaient de livrer au travail de notre industrie, ils sont aujourd’hui disposés à les porter à l’usine. Les plus obstinés ont cédé à la perspective d’une indemnité. C’est un grand pas vers le progrès ; les moulins européens de Bien-hoa, depuis longtemps inactifs, pourront fonctionner avant peu et donner aux Annamites la preuve évidente de leur supériorité.

De nouveaux établissemens se préparent, et il est à prévoir que dans un avenir peu éloigné une bonne partie des récoltes de la province sera manipulée dans nos usines. Une concession de 25,000 hectares a été faite par l’état à l’un des capitalistes les plus influens dans les mers de Chine par son crédit et sa connaissance approfondie des questions agricoles. Cette concession, dont les terrains doivent être choisis parmi les plus propres à la culture de la canne, sera mise en commencement d’exploitation dans le courant de l’année 1872. La ferme du travail sur les plantations sera donnée aux Chinois immigrés. Le fait n’est pas sans importance pour les intérêts de la colonie, car il marque le point de départ de l’immigration des travailleurs chinois en Cochinchine, ou les bras sont insuffisans à faire rendre à la terre tout ce qu’elle peut et doit produire un jour. Plusieurs centaines de mille hectares sont appropriés dans nos provinces à la culture de la canne, et là ne se borne pas la richesse du sol. Le tabac, l’indigo, le coton et les autres plantes textiles, réussissent sur presque tous les points du territoire, et seront un jour pour le pays une source puissante de productions industrielles,