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temps autour de l’usine, et ce fut par le plus grand des hasards, un voyage à Athènes d’abord annoncé, puis contremandé, que celui qu’ils voulaient prendre échappa au danger qui le menaçait et qu’il n’apprit que plus tard. Les Arvanitakis, avertis par leurs amis d’Athènes de l’excursion projetée par les Anglais à Marathon, allèrent attendre cette proie au passage. On connaît la fin de cette lamentable tragédie. Pour se mettre à l’abri de pareilles aventures, la société acheta le bateau à vapeur qui fait actuellement le service entre le Pirée et Ergastiria.

Les brigands de profession ne furent pas les seuls auxquels les étrangers eurent affaire. Quand on vit le succès obtenu par eux dans un pays où jusque-là aucune entreprise du même genre n’avait réussi, les imaginations s’exaltèrent, on exagéra au-delà de toutes les limites les bénéfices de l’exploitation. On ne voulut pas voir qu’ils étaient le résultat non pas seulement des richesses minérales mises en œuvre, mais encore et surtout d’une longue expérience industrielle, servie par de grands capitaux et par une rare énergie. La presse s’empara de la question du Laurium, et une partie des innombrables journaux d’Athènes commença contre la société franco-italienne une campagne qui dure encore : le gouvernement fut sommé « de sauver des griffes de rapaces étrangers les millions que les anciens Athéniens avaient légués à leurs descendans. » Il est inutile de rappeler ici toutes les tentatives qui furent essayées par les particuliers pour dépouiller la société et s’emparer de ses propriétés. Il en est une toutefois que nous ne saurions passer sous silence, parce qu’elle caractérise à merveille les mœurs du pays ; ajoutons que tous les détails sont de la plus scrupuleuse exactitude.

Il y a quelques années, une société qui s’intitulait « hellénique » (et qu’il ne faut pas confondre avec une société du même nom, de date plus récente) se formait à Athènes pour exploiter les scories du Laurium. Elle comptait dans son sein plusieurs personnages bien connus dans la capitale. Les scories, il est vrai, appartenaient à la société française ; mais la propriété est si mal délimitée en Grèce, qu’il est toujours possible de se prétendre possesseur d’un terrain ; le principal est de l’occuper. Un jour, tandis que l’on travaillait tranquillement à Ergastiria, la nouvelle se répand qu’une troupe de palikares armés, inconnus dans le pays, ont envahi l’un des principaux scoriaux, celui de Camaresa, situé à cinq kilomètres de l’usine, qu’ils ont chassé les ouvriers, brûlé les maisons, bouleversé les travaux, et qu’ils paraissent prendre leurs dispositions pour un établissement définitif. Le directeur monte à cheval, se dirige sur Camaresa, et se trouve en présence d’hommes de mauvaise mine