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produits des grandes lignes qui permettent d’appliquer des prix modérés sur les lignes secondaires, de même que les pertes éprouvées sur ces dernières l’empêchent de réduire davantage le prix de transport sur les grandes lignes. Tout se tient dans le système. Que l’on touche à la ligne principale de chaque réseau, le reste dépérit. Les règles ordinaires de la concurrence demeurent étrangères à cette organisation spéciale, qui dès l’origine a placé les compagnies en dehors des conditions de l’industrie libre. Ici la concurrence ne s’exercerait pas avec des chances égales ; l’état, dont le consentement est nécessaire, ne saurait l’admettre sans donner un démenti à tous ses actes. Ce serait la plus flagrante iniquité.

Est-il vrai d’ailleurs que, pour les voies ferrées, la concurrence amène infailliblement la plus grande baisse des prix ? Selon l’économie politique, le principe est incontestable ; cependant la science, si absolues que soient ses doctrines, se trouve parfois obligée d’abdiquer devant les situations exceptionnelles ; or les grandis entreprises, organisées en vertu de concessions, rentrent dans ce. dernier cas. La baisse des prix n’est possible, elle n’est durable que jusqu’au point où l’entreprise de transport garde le bénéfice le plus minime, au-dessous de ce point, la ruine arrive, car on ne peut pas longtemps travailler à perte. Il importe donc que l’entreprise soit constituée de manière à faire le plus de transports, c’est-à-dire de recettes, avec le moins de dépense. Si pour opérer les transports l’on établit deux lignes au lieu d’une, la recette est diminuée, puisqu’elle se divise, et la dépense est augmentée, puisqu’il faut construire et administrer deux chemins. Par conséquent, pour deux lignes concurrentes le point précis où l’exploitation maintient le niveau entre les recettes et les dépenses est plus relevé que pour une seule ligne, et le degré de réduction des tarifs est placé nécessairement moins bas. Supposons pour plus de clarté qu’une ligne coûtant 100 millions opère tous les transports d’un point à un autre, elle doit retrouver au moins dans ses tarifs l’intérêt et l’amortissement de cette somme, ainsi que les frais d’administration et de traction. Que l’on crée une seconde ligne parallèle coûtant le même prix, on élève à 200 millions le capital dont l’intérêt et l’amortissement doivent figurer parmi les élémens du tarif ; de même pour les frais d’administration, qui seront doublés. En outre, comme les transports se partageront entre deux lignes, les trains seront moins chargés sur chacune d’elles, et l’ensemble de la traction deviendra plus cher. Quant aux recettes, à moins que les voyageurs et les marchandises à transporter ne dépassent le double du tonnage actuel (hypothèse inadmissible), il est évident qu’elles seront moindres sur les deux lignes que sur une ligne unique. Sous