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ANNA

Et tu comptes le recevoir ?

LOUISE

Certainement.

ANNA

Ah ! — Au fait, tu es veuve, toi, tu as des enfants…

LOUISE

Et je suis beaucoup moins jeune que toi ; dis-le, ça ne me fâche pas, bien au contraire ; quand on n’a rien à se reprocher à mon âge, on compte ses années avec plaisir.

ANNA

Coquette de vertu, va !

LOUISE

Chère enfant, tu connaîtras ce plaisir-là, à la condition pourtant que tu ne mettras pas trop de curiosité dans ta vie.

ANNA

Encore ? Je n’entends pas.

LOUISE

Si fait. Tu sais bien que la curiosité est un trouble de l’âme, une maladie ! La vertu, c’est le calme et la santé.

ANNA

Très bien ! un sermon ?

LOUISE

Que veux-tu ? je vieillis !




Scène II

ANNA, LOUISE, un Domestique.
LE DOMESTIQUE

M. le marquis de Valroger fait demander si madame veut le recevoir.

ANNA

Toujours ? vous n’avez donc pas dit que j’étais sortie ?

LE DOMESTIQUE

Je l’ai dit ; mais il a vu madame à la fenêtre, et, pensant qu’elle était rentrée…

ANNA

L’impertinent ! Dites que je ne reçois pas.

LOUISE, au domestique.

Attendez… (Bas à Anna.) Reçois-le !

ANNA, bas.

Ah ! tu vois ! c’est toi qui le veux ! (Au domestique.) Faites entrer. (Le domestique sort.)