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second est de ne jamais parler légèrement de la caserne. M. Rittershaus s’imagine-t-il qu’on lui puisse pardonner d’avoir prêché tout récemment la fraternité des peuples, d’avoir exhorté l’Allemagne à fermer son oreille aux propos des flatteurs, à ne point diviniser ses mérites et ses vertus, à chercher partout le bien et le vrai sans faire acception des personnes, « et, comme une abeille, à se nourrir de toutes les fleurs qui croissent sur le grand arbre de l’humanité ? » Lui pardonnera-t-on aussi d’avoir écrit en 1871 : « Grand Dieu ! quand verra-t-on sur la terre la pentecôte des peuples ?.. De quoi vous sert de tourner vos regards en haut aussi longtemps que vous vous plaisez dans vos songes, aussi longtemps que, l’échine basse, vous vous faites les porte-queue des prêtres et des rois ? La liberté devient son propre bourreau dans un peuple qu’éblouissent des chimères. Il ne peut y avoir de pentecôte des peuples que dans un monde de libres penseurs. » M. Rittershaus est un républicain dérouté, et nous soupçonnons que l’empire de ses rêves est un empire sans empereur. De tous les problèmes politiques, c’est le plus difficile à résoudre.

Le Chant du nouvel empire allemand (das Lied vom neuen deutschen Reich) a valu à son auteur, M. de Redwitz, les remercîmens et les félicitations empressées des plus grands personnages. Ce chant, qui remplit un volume de près de 300 pages, a fait événement. M. de Redwitz est un fervent catholique, et il semblait qu’en sa personne l’église faisait adhésion à l’empire, rendait hommage à l’empereur. « O roi Guillaume ! s’écriait le poète, ô noble et héroïque vieillard, pour toi retentissent mes louanges, tu as subjugué mon cœur ; ses glaces ont fondu au soleil de tes exploits. » Malheureusement il s’est trouvé que M. de Redwitz ne parlait qu’en son propre nom, qu’il n’avait reçu de mandat ni des rédacteurs de la Germania, ni de MM. de Mallinckrodt, Windthorst et de Reichensperger, ni d’aucune des perles de ce terrible centre droit que M. de Bismarck rabrouait naguère si vertement. Cela diminue un peu l’importance politique du Chant du nouvel empire allemand. Ce n’est pas le manifeste d’un parti qui se rallie, c’est le transport lyrique d’une âme tendre et peut-être imprévoyante, qui n’a pas su résister à son enthousiasme, qui, pareille à la sainte pécheresse, est venue répandre un vase de parfums sur des pieds adorés. L’enthousiasme nuit quelquefois à la discipline. Peut-être M. de Redwitz s’est-il trop hâté, mais nous n’avons aucune raison de croire qu’il se repente de rien.

On n’avait pas prévu que l’auteur d’Amaranthe s’embarquerait jamais dans une telle aventure. Cette Amaranthe eut en 1849 un prodigieux succès ; elle en est aujourd’hui, sauf erreur, à sa vingt--