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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/748

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ce lien qui unissait votre souverain à l’Allemagne est brisé ; qu’en résulte-t-il ? L’empire d’Allemagne a surtout cherché dans les victoires allemandes les moyens de se faire une position défensive qui décourage d’avance tout agresseur. Il n’a rien à craindre au nord, il est couvert du côté de France par ses récentes acquisitions, protégé contre une attaque autrichienne par les défilés des montagnes de Bohême. Il n’y a plus qu’une lacune dans son système de défense : c’est cette échancrure que votre pays forme, on ne sait pourquoi, sur la frontière du nord-ouest. De ce côté, pourvu qu’on puisse librement débarquer dans ses ports, on entre chez nous de plain-pied, sans qu’il y ait le moindre obstacle sérieux à tourner pour arriver jusque sous Berlin. Vous me direz que votre pays ne songera jamais à entrer en lutte avec l’Allemagne. Je le veux bien ; toutefois il peut servir à d’autres pour l’attaquer. Supposez, par exemple, que la guerre éclate entre nous et l’Angleterre à propos d’Héligoland ou de toute autre cause. La France, qui n’attend que l’heure de la revanche, saisit l’occasion aux cheveux. Ne pouvant attaquer sérieusement la nouvelle frontière que nous avons fortifiée sur son ancien territoire, elle juge convenable de porter ses forces, de concert avec l’Angleterre, sur nos côtes du nord. Pensez-vous que les deux puissances ne pèseront pas de tout leur poids sur vous pour vous contraindre à prendre parti pour elles ? Que vous consentiez ou non, il n’en sera pas moins vrai que nous aurons lieu de nous demander si nous pouvons laisser ainsi la Hollande à elle-même, et si l’intérêt de notre sécurité n’exige pas que nous occupions en force votre pays. Ne donnez pas le nom d’invasion contraire au droit des gens à ce qui serait simplement une nécessité stratégique. Est-ce dans un autre dessein que celui de nous garantir contre un retour offensif de la France que nous lui avons enlevé l’Alsace et la moitié de la Lorraine ? Nous n’aimons pas les conquêtes, nous tenons simplement à vivre tranquilles. On prétend chez nous qu’au commencement de la dernière guerre vous aviez massé vos divisions sur votre frontière du sud, et que, si nous avions eu le dessous dans les premières batailles, vos chefs militaires, se jetant les yeux fermés dans l’alliance française, auraient changé nos défaites en déroute en nous prenant à revers. Je ne sais ce qu’il y a de fondé dans ces bruits. Germains comme vous l’êtes, vous devriez être plus dévoués aux intérêts du germanisme, et je vous renferme dans ce raisonnement : ou bien vous vous sentez nos frères de race, de sang et de langue, et alors vous devez désirer de vous unir à nous, ou bien vous reniez vos origines ethniques, et alors le germanisme ne fait que se défendre en prenant ses précautions chez vous et contre vous. De plus, dites-vous bien que l’Allemagne est désormais la première puissance de l’Europe, du moins