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tant pour les autres rois et potentats de la chrétienté, ses adhérens, qu’en son privé nom, et comme champion de la foi et défenseur de l’église, requit (en l’année 1303) la convocation d’un concile général pour y faire vider les appellations formées contre le feu pape Boniface, prévenu des crimes d’intrusion, d’hérésie et autres actions de pernicieux exemple, et afin qu’il fût pourvu à l’élection d’un vrai et légitime pasteur. A lui s’étaient joints plusieurs princes et grands personnages ecclésiastiques et laïques, qui se rendirent dénonciateurs desdits crimes. Les défenseurs de Boniface ont soutenu que le roi, mû plutôt de haine que de charité et du zèle de la foi et de la justice, avait calomnieusement procuré ces dénonciations et qu’il était auteur du sacrilège commis en la capture du pape. A cela, il a été répliqué de la part du roi qu’il avait procédé avec tout le respect filial possible, comme envers un père, dont il aurait volontiers couvert les nudités de son propre manteau, mais qu’étant publiquement requis en son parlement de Paris, en présence des prélats, barons, chapitres, couvens, collèges, communautés et villes de son royaume, et ne pouvant plus dissimuler sans scandale et offense de Dieu, il se vit contraint, pour la décharge de sa conscience, et de l’avis des maîtres en théologie, professeurs en droit, etc., d’envoyer vers Boniface Guillaume de Nogaret, chevalier, et d’autres ambassadeurs, pour lui notifier les dénonciations et requérir la convocation d’un concile. Que si les ambassadeurs ont excédé leur pouvoir et commis quelque action illicite en la capture de Boniface et en l’agression de sa maison, ces violences ont grandement déplu au roi, et il les a toujours désavouées. Après de longues procédures conduites tant par-devant ledit Boniface avant son décès que devant le pape Benoît XI et le pape Clément V, tandis qu’il était à Lyon et à Poitiers, le pape Clément V, ayant fait l’inquisition d’office qu’il devait sur les motifs de bon zèle du roi et des dénonciateurs, les déclare au préalable exempts de toute calomnie en leur poursuite, à laquelle ils ont procédé en sincérité d’un bon et juste zèle pour la foi catholique.

Quant à Guillaume de Nogaret, personnellement comparaissant en plein consistoire, il a déclaré qu’il avait seulement reçu mandat pour notifier à Boniface la convocation du concile général, lequel en pareil cas était supérieur à Boniface. Le roi n’a donc aucune responsabilité en l’affaire d’Anagni ; mais, comme à cause de la raideur de Boniface, des menaces adressées et des embûches dressées, l’ambassadeur du roi ne pouvait autrement trouver un accès sûr dans le manoir papal, Guillaume en personne, entouré et appuyé par une escorte de fidèles vassaux de l’église, est entré en armes, pour sa défense personnelle, dans la maison que Boniface habitait à Anagni. La bulle papale rapporte ensuite textuellement les explications