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N’oublions pas la brochure de M. Laurentie. Le vieil athlète reprend le ceste encore une fois pour frapper son constant adversaire. Alors que de tous côtés on court sus à l’université, il ne peut rester sous sa tente, et il dénonce ce qu’il appelle les crimes de l’éducation française. Il n’a pas tort d’attaquer l’idée qui a présidé à la fondation de l’université, et qui n’était que l’application de ce mot d’un révolutionnaire illustre : « . vous devez donner une centralité à l’instruction publique, comme vous en avez donné une au gouvernement. » Nous le suivons tant qu’il combat le monopole universitaire tel qu’il fut organisé par le grand despote, tel qu’il a subsisté avec quelques modifications sous les régimes suivans ; mais il gâte sa polémique en représentant l’enseignement de l’état comme un empoisonnement public. A l’en croire, Victor Cousin aurait répondu à un de ses disciples qui l’interrogeait sur Dieu : Dieu est l’être qui n’est pas, — et cette parole aurait suffi pour faire de l’élève un athée. M. Laurentie ne voit que machinations et complots contre la religion en dehors des petits séminaires. On croirait qu’après avoir battu en brèche le monopole universitaire il va conclure en proclamant la liberté ; il s’en garde bien. Sa vraie pensée, celle de tout le parti éclate dans ce passage significatif : « L’erreur générale, le grand crime de l’éducation française est d’avoir soustrait le peuple à l’action de l’église. L’église fut de tout temps la maîtresse et l’éducatrice du peuple. L’école du peuple était une annexe de la maison du prêtre. La loi du 18 juin 1833 a été une loi injurieuse pour l’église. Elle a fait et voulu faire du maître d’école un rival du prêtre. Là-dessus sont venues les théories qui veulent l’instruction obligatoire, comme si elles voulaient un degré satanique de plus dans le crime de l’éducation. Voici donc la différence des temps : dans la constitution des âges chrétiens, l’église fut la maîtresse du peuple. » La brochure se termine, comme la plupart des opuscules du même genre, par le grand argument du pétrole : Courbez-vous sous le joug de l’église, brûlez ce que vous avez adoré en fait de liberté, ou vous serez brûlés vous-mêmes.

Après les brochures, nous avons un vaste mouvement de pétitionnement, qui dépasse de beaucoup en importance celui que nous avons signalé en faveur du pouvoir temporel de la papauté. Il a été inauguré par une pétition à l’assemblée dont le cardinal de Bonnechose, archevêque de Rouen, a pris l’initiative, et qui a été signée par six évêques et archevêques. C’est la pièce principale, car la plupart des autres prélats français se bornent à y joindre leur adhésion. La pétition est un vrai manifeste. Elle débute en dénonçant le nouveau projet de loi comme l’atteinte la plus grave à la liberté de l’enseignement, aux droits sacrés des pères de famille, aux intérêts