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modifier son régime, ses traditions et son enseignement. Aussi dans le programme des études, remanié en 1816, les sciences mathématiques et les hautes théories continuèrent-elles à former le principal objet de l’enseignement pour être ultérieurement appliquées dans des écoles spéciales à l’artillerie, au génie militaire, aux ponts et chaussées et aux mines. L’école n’a point eu à regretter que l’on ait respecté le caractère purement scientifique de ses cours ; elle est demeurée la première école du monde, la plus renommée, la plus féconde en savans illustres : mais par son recrutement restreint, par la nature de ses études et par les sacrifices de temps et d’argent qu’elle exigeait des élèves, elle n’était pas en mesure de répondre aux besoins de l’industrie.

L’École centrale des arts et manufactures fut créée en 1829, et les fondateurs ne manquèrent pas de rappeler qu’ils se proposaient de faire revivre l’École des travaux publics, dont l’École polytechnique avait pris la place et changé le nom. L’honneur de cette création appartient à un petit groupe d’hommes éminens dans la science et dans l’industrie, qui mirent au service de l’œuvre nouvelle une persévérance et un talent d’organisation bien dignes d’être récompensés par le succès. Il faut citer, c’est justice, MM. Lavallée, Dumas, Olivier et Péclet, qui fondèrent de leurs deniers et de leur dévoûment l’École centrale, ainsi que M. Benoît, qui fut associé aux premiers travaux et à la préparation des programmes. Qu’on le sache bien, une grande part de notre prospérité industrielle est due à leur initiative et à leur audace. Oui, il y avait de l’audace à fonder, à côté des écoles publiques et en face du monopole universitaire, un établissement privé qui prétendait concourir à la haute mission de l’enseignement. Aussi que de difficultés, que de préjugés à vaincre ! Heureusement les organisateurs de l’École centrale trouvèrent dans le ministre de l’instruction publique, M. de Vatisménil, un protecteur bienveillant et libéral, qui encouragea leurs premiers efforts et aplanit les obstacles que leur opposaient les traditions bureaucratiques. Ce patronage leur fit défaut à la chute du ministère Martignac, et l’école dut être soumise à la rétribution universitaire et aux autres formalités administratives. Sans doute, avec les idées qui prévalaient alors, on était presque coupable de tenter une entreprise utile en dehors du gouvernement ; peut-être aussi le ministère savait-il mauvais gré aux fondateurs de l’école d’avoir institué un conseil de perfectionnement et de surveillance dans lequel figuraient dès lors à côté des noms purement scientifiques de Poisson, de Thénard, de Payen, de Brongniart, de d’Arcet, les noms politiques de Casimir Perier, de Laffitte, de Chaptal, et le nom d’Arago, dont l’astronomie était taxée