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d’honneur et quelquefois de péril dans la funeste période qui finit avec la commune. Savait-on aussi bien que l’homme qui avait exercé cette sorte de charge publique était avant tout un peintre, un des représentans les plus sérieux de notre école contemporaine, et que, dans le genre spécial qu’il avait choisi, il méritait d’être classé au premier rang ? Si beaucoup d’entre nous ignoraient ces titres, la faute, il est vrai, n’en était pas tout entière, à leur manque d’attention ou de mémoire. Depuis longtemps déjà, les occasions d’apprécier l’habileté de l’artiste ne se présentaient pas pour ceux qui n’en avaient rien pu connaître autrefois. M. Bertin ayant à partir de 1854, cessé d’envoyer ses œuvres aux expositions annuelles, la génération appartenant par son âge au temps du second empire se trouvait tout naturellement privée, en ce qui le concernait, les moyens d’information ordinaires, et ne s’avisait guère de découvrir dans le coin le plus obscur d’une des salles du Luxembourg l’unique témoignage qu’elle eût pu à la rigueur consulter.

Au surplus, ceux-là mêmes qui gardaient le souvenir des tableaux exposés au salon par M. Berlin avant la seconde moitié de ce siècle n’étaient pas en mesure pour cela de se prononcer sur un talent dont ils n’avaient en réalité envisagé qu’une des faces et dont ils avaient dû involontairement négliger, dans un autre ordre de travaux, certaines preuves plus concluantes. Pour estimer à son prix, ce grave talent, pour en discerner avec une entière certitude les facultés distinctives et les vrais caractères, ce sont surtout les dessins de M. Bertin qu’il eût fallu interroger ; or ceux-ci, plus habituellement encore que ses tableaux, demeuraient soustraits à la publicité. A peine quelques-uns, reproduits tant bien que mal par la lithographie, étaient-ils venus, sous le titre de Souvenirs de voyages, apparaître un moment aux vitres des magasins d’estampes ou se mêler dans les portefeuilles des amateurs aux œuvres d’autres talens plus féconds en apparence, plus généralement accrédités. Encore ces austères croquis, enjolivés et comme ajustés au goût du jour par le crayon des interprètes, ne pouvaient-ils donner qu’un aperçu bien insuffisant, sinon même une idée inexacte, des qualités propres aux modèles. Pour tout le reste, c’est-à-dire pour un millier peut-être d’études de paysage d’après nature ou de compositions dessinées, on en était réduit aux éloges qu’en faisaient, le cas échéant, ceux qui avaient accès dans l’atelier de M. Bertin et à cette singulière alternative, — ou d’accepter ces louanges sur parole, — ou, si l’on y soupçonnait quelque exagération, d’en contester tout aussi aveuglément la justesse. Maintenant que l’exposition ouverte à l’École des Beaux-Arts livre à l’examen de tous ce qui pendant, si longtemps avait été connu seulement de-quelques regards privilégiés, il. n’y a plus pour personne ni informations incomplètes, ni équivoques d’aucun genre. Les admirateurs de ce talent, qui n’avait voulu se manifester qu’à huis-clos et qui semblait se dérober au succès avec autant de soins que d’autres en mettent à le rechercher,