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Polonais, ennemis de la Russie, rebelles à tout panslavisme, à l’unité même morale de la race. Si, au lieu du dualisme, il faut absolument une triade, le troisième élément que les Magyars accepteraient le plus volontiers, c’est celui des Polonais de Gallicie. Ils regardent toutes les autres tribus slaves, celle de Prague, celle d’Agram, celle de Belgrade ou de Temesvar, comme les complices de l’ambition. russe, « des malheureux qui préfèrent le knout moscovite à la liberté magyare. » Il est toutefois un parti qui a inscrit dans son programme la fédération, la fraternité des peuples sans distinction de races : c’est l’extrême gauche, jadis ennemie déclarée des Slaves de Hongrie. Ceux-ci n’en ont pas perdu le souvenir, et la date de 1848, devise sans cesse répétée du parti Kossuth, ne peut que les rendre soupçonneux à l’égard des radicaux magyars. Le Narodni Noviny d’Agram donnait naguère à ses frères de Hongrie le conseil de ne pas faire attention, dans les élections prochaines, à ces questions de parti. « Peu importe, dit ce journal, qu’un député à la diète soit de la droite ou de la gauche. L’essentiel est qu’il défende les intérêts des Slaves. Avant de voter pour lui, donnez-lui ce mandat formel, et, afin d’être plus sûr de sa fidélité, exigez une promesse écrite. »


IV

Après d’aussi vives et d’aussi nombreuses discussions, on peut prévoir une de ces crises décisives qui rendent nécessaire une dissolution du corps législatif ou un changement de gouvernement. La loi de réforme électorale, présentée par le ministre de l’intérieur, M. Toth, dans la séance du 22 février, a été pour les partis qui se disputent le pouvoir une occasion suprême de mesurer leurs forces. D’ailleurs, en mettant de côté la gravité des circonstances, et pour ainsi dire l’état électrique de l’atmosphère parlementaire, un projet de cette nature présente toujours une importance capitale dans un pays où les électeurs, en dernière analyse, disposent de tout. Cela est vrai à plus forte raison d’un peuple conservateur dont la loi politique change rarement ; depuis des siècles qu’il existe une diète hongroise, il n’y a encore eu que deux régimes électoraux, le régime aristocratique et féodal qui a précédé 1848, et le régime à moitié démocratique qui date de 1848, et qui est en vigueur aujourd’hui.

Cette loi, qui depuis vingt-quatre ans préside aux élections hongroises, a beaucoup étendu le droit de voter, réservé auparavant à la noblesse, car les députés des villes libres royales n’avaient presque aucune influence. Sans arriver au suffrage universel, mais sans