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mouiller à port Vathi, Logothethis appela ses compatriotes aux armes, mais il ne jugea pas nécessaire de les appeler à se gouverner. Le temps était aux dénominations antiques. Pour mieux indiquer la nature du pouvoir qu’il entendait exercer, Logothetis prit le nom de Lycurgue et s’attribua les fonctions de monothète.

Cette insurrection de Samos, signalée comme tous les autres soulèvemens par le massacre des familles turques, eut un immense retentissement sur toute la côte voisine. À Constantinople, on s’en émut beaucoup plus peut-être que des événemens de la Morée. Soumettre l’île rebelle devint dès ce moment la pensée dominante de la Porte. L’empêcher de retomber sous l’autorité du sultan fut également la préoccupation principale du gouvernement d’Hydra. Samos était donc destinée à être en quelque sorte, dès le début des hostilités, le pivot des opérations navales. « La révolte inopinée de cette île, écrivait l’agent consulaire de France à Scala-Nova, excite nos Turcs à une férocité qu’il est difficile d’apaiser. Une partie des habitans grecs s’est dispersée, une autre s’est renfermée dans ses maisons. Depuis quelques jours, les parages de Samos sont infestés par deux gros bâtimens armés de canons. On les croit spezziotes. Ils ont déjà capturé plusieurs navires de différentes nations venant d’Égypte, et notamment des Turcs, dont ils ont mis à mort les équipages. La conduite de ces forbans jette l’alarme dans tous nos environs. »

Pendant que ces deux spezziotes croisaient à l’entrée du golfe d’Éphèse, tenant ainsi en respect les troupes rassemblées par Elez-Aga, sept navires ipsariotes, sous le commandement de Nikol Apostolis, apportaient l’épouvante dans le golfe de Smyrne, et faisaient avorter l’expédition prête à partir pour le Péloponèse. — Le 4 mai 1821, la flotte entière, au nombre de trente-sept voiles, fit son apparition sur les côtes de l’Asie-Mineure. Elle se dirigea d’abord vers le canal de Chio. Tombazis, qui la commandait, avait cru qu’à son appel les Chiotes se lèveraient, comme s’étaient levés les Samiens. Pas un homme de la campagne ne quitta son verger ou son champ de mastic pour courir aux armes, et la ville que la flotte s’était proposé d’attaquer demeura immobile sous le canon de la forteresse. Pour mieux s’assurer la fidélité de ses administrés, le gouverneur de Chio avait fait arrêter à l’avance l’évêque et les primats les plus considérables. Le 19 mai, la flotte dut remettre à la voile. Des complications intérieures la ramenèrent momentanément à Hydra. L’aristocratie hydriote avait pris bravement son parti : engagée malgré elle dans une lutte qu’elle eût préféré éviter, elle entendait du moins la soutenir de son mieux, et avait hâte de ressaisir le pouvoir dont un mouvement populaire l’avait injustement