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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/975

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M. de Bismarck dans une contrée pastorale du Hanovre, le riche Wendtland aux plaines fertiles, aux magnifiques forêts, où se conservent encore les usages poétiques et hospitaliers du vieux temps, pour assister aux préludés des fiançailles de M. de Wendenstein, jeune officier hanovrien, fils du digne bailli de ce district, avec Hélène Berger, la fille du pasteur de Blechow. Celui-ci avait rêvé pour elle une autre destinée, un mariage avec son neveu, le candidat Behrmann, qui doit lui succéder dans le saint ministère ; mais, lorsque la guerre éclate, la douleur d’Hélène trahit le penchant de son cœur. Il se révèle plus ouvertement encore lorsqu’elle supplie Mme de Wendenstein, sur le point de partir pour Langensalza, où le jeune homme a été blessé, de lui permettre de l’accompagner. Le candidat Behrmann, tourmenté de jalousie, est du voyage. Lui aussi veut consoler les malades et les mourans : on peut supposer en outre qu’il compte veiller sur celle qu’il aime. Il lui faut enfin se résigner à perdre Hélène. Au pied de ce lit où le jeune officier revient lentement à la vie sont décidées des fiançailles qui se célébreront un peu plus tard, dans un temps de deuil pour les Hanovriens, après la cession de leur beau pays à la Prusse. M. de Wendenstein donne sa démission de bailli, son fils renonce à la carrière des armes afin de ne point servir la Prusse, mais il leur reste après tout le bonheur domestique.

Parmi les muses allemandes, la plus belle, la plus pure, la plus sympathique est assurément la muse pastorale, qui chante les beautés de la nature et les affections de la famille, celle qui a créé des types incomparables, la Louise de Voss, la Dorothée de Goethe ; cette muse-là évite les sentiers tortueux où rampe volontiers la politique à l’œil louche, elle craindrait d’y salir sa robe immaculée, il lui suffit pour s’inspirer de regarder l’œuvre de Dieu ou de sonder son propre cœur. M. Samarow a dû s’apercevoir qu’il l’invitait en vain à semer les fleurs du ciel dans les régions basses et troublées des passions humaines ; la trouvant sourde à son appel, il a voulu relever la fadeur de cette idylle par le réalisme d’un autre tableau. Aux chastes amours de l’Allemagne du nord, il s’est plu à opposer la corruption des mœurs viennoises ; il nous montre le beau lieutenant de Stielow, éblouissant d’élégance sous l’uniforme vert, rouge et or des hulans, partagé entre sa tendresse naissante pour la jeune comtesse Clara de Frankenstein et l’ascendant que conserve sur lui Mme Balzer, sa maîtresse. Cette Balzer a un mari qui l’exploite pour payer ses dettes de jeu, elle a un amant, le comte de Rivero, qui se sert d’elle au profit de la politique italienne, étant lui-même agent du pape. Après s’être battu, apparemment par jalousie, avec Stielow, Rivero finit par montrer à ce dernier une lettre qui ramène l’officier au bon sens et au devoir.