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qui à leur tour ne sont peut-être pas très populaires à Versailles. La meilleure politique à l’égard de ces grandes populations, qui n’ont pas sans doute plus de droits que les autres, mais qui ont des habitudes, des intérêts d’un ordre différent, et qui sont en définitive une puissance, c’est de les traiter avec une sérieuse et forte équité, de ne leur laisser ni le privilège de devenir des foyers d’agitation, ni le privilège de se plaindre. L’assemblée ne s’est point occupée seulement de Lyon avant d’entrer en vacances, elle a passé les dernières heures de sa pénible session à s’occuper de Paris, à régler les comptes de la ville de Paris avec l’état, en votant la loi qui fixe la part de la grande cité dans les réparations ou les restitutions accordées à la suite de la guerre. C’était, à vrai dire, un compte assez compliqué, il y avait des questions délicates qui ont été l’objet d’une longue et laborieuse négociation. Le gouvernement et les pouvoirs municipaux traitaient ensemble, ayant pour témoin la commission du budget, qui tenait les cordons de la bourse. On a fini par s’entendre, on en est venu à un arrangement d’après lequel l’état doit payer 140 millions à la ville de Paris, et la ville doit à son tour affecter une portion de cette somme à la réparation de certains dommages résultant de la guerre civile. Le point difficile et délicat était le remboursement d’une partie des 200 millions imposés à Paris par l’armistice du 28 janvier 1871.

C’était évidemment une justice de ne pas laisser peser exclusivement sur Paris cette lourde contribution, prix d’une capitulation aussi douloureuse que nécessaire. Quel est en effet le caractère de cet acte du 28 janvier 1871 ? Est-ce la reddition pure et simple d’une place amenée à merci ? Les pouvoirs municipaux sont-ils intervenus au nom de la ville qu’ils représentaient ? Est-ce de l’existence particulière et des intérêts municipaux de Paris qu’il s’agissait ? Non. C’est le gouvernement qui a défendu la cité assiégée, c’est le gouvernement qui au jour du malheur est allé négocier à Versailles. Ce n’est pas l’autorité municipale, ce n’est pas même l’autorité militaire, c’est le ministre des affaires étrangères qui a signé l’armistice stipulant non-seulement pour Paris, mais pour la France entière. Ce n’est donc pas un fait tout parisien, c’est un fait essentiellement politique, un fait national. Il en résulte que, sans se dérober absolument aux charges que la loi de la guerre inflige à une ville prise, Paris a tout au moins le droit d’être exonéré d’une partie de cette contribution qu’il a payée pour la France comme pour lui. La cause de Paris a été plaidée avec autant d’habileté que de chaleur par M. Denormandie, par M. André, par M. Vautrain, par des hommes qui savent s’occuper sérieusement des intérêts de la ville qu’ils représentent sans flatter ses passions, et elle a été gagnée en définitive. Ella eût été gagnée avec bien plus d’avantage encore pour l’intérêt public, si on n’avait pas cru devoir jeter dans le débat les récriminations de l’esprit provincial, déguisant à peine l’esprit de parti.