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Qu’on s’efforce de réparer autant qu’on le pourra les ruines laissées dans les départemens envahis, qu’on rende justice aux autres villes qui ont subi les rigueurs de la guerre, rien de mieux assurément. Où donc est la nécessité de saisir toutes les occasions de récriminer contre Paris, de lui disputer jusqu’au mérite des douleurs qu’il a essuyées ? Si Paris a souffert de la faim, du bombardement, de toutes les misères, il a supporté ces épreuves pour la France aussi bien que pour lui-même. Le siège est un honneur pour le pays tout entier. Est-ce la peine de parler si souvent de conciliation, d’unité nationale, d’accuser Lyon de séparatisme, pour venir à son tour réveiller tous ces antagonismes, réchauffer tous ces fermens de discorde ? Et puis, pour tout dire, que signifie cet éternel procès, fait à une malheureuse ville ? Paris est le foyer de toutes les révolutions, voilà le grand crime ! C’est bien un peu vrai malheureusement ; mais d’où viennent ceux qui font des révolutions ? C’est à peine s’il y a des Parisiens parmi eux. Paris, le vrai Paris, est le premier à souffrir de ce cosmopolitisme révolutionnaire. Il disparaît submergé sous ce flot d’agitateurs venant de toutes parts, et en ce moment même ne se prépare-t-on pas à jouer cette comédie de répondre aux récriminations de. Versailles en poussant à la députation parisienne la fine fleur du radicalisme provincial ? Est-ce Paris qui a inventé la candidature de M. Barodet pour les élections du 27 avril ? »

Oui, vraiment, on veut persuader à Paris qu’il doit venger les franchises municipales violées à Lyon, la république menacée à Versailles, qu’il doit pour cela nommer au plus vite le héros de la mairie centrale lyonnaise, M. Barodet en personne ! Et contre qui organise-t-on cette grotesque campagne ? Contre l’assemblée de Versailles, on le dit, contre les menaces monarchistes, on le répète sans cesse ; on organise aussi en définitive cette campagne contre le ministre d’un gouvernement qui représente la république, la seule république possible, et qui vient, il y a un mois à peine, de signer la libération du territoire ! Puisqu’on s’engage dans cette étrange aventure, il faudrait avoir au moins la franchise de ce qu’on fait et dire nettement les choses. Est-ce qu’il n’y a pas des habiles du radicalisme qui commencent à jouer ce jeu puéril de représenter la candidature de M. Barodet comme une manifestation toute simple, entièrement inoffensive, nullement hostile dans tous les cas ? M. Barodet !.. mais c’est l’ami de M. Thiers, il a été nommé maire de Lyon de la propre main de M. Thiers, il est reçu à la présidence. Quoi donc encore ? C’est pour venir en aide à M. Thiers, c’est pour soutenir le gouvernement qu’on le propose aux électeurs. C’est une candidature vraiment conservatrice ! Et c’est avec ces subterfuges, avec ces ruses vulgaires qu’on espère sans doute gagner des esprits simples, leur persuader qu’ils vont d’un seul coup par leur vote venger les injures de Lyon, sauver la république et soutenir M. Thiers contre ses ennemis embusqués dans le palais de Versailles !