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discussion de la loi sur l’inspection des écoles. « La paix commença d’être troublée après la guerre d’Autriche, après que la puissance qui était en Allemagne le boulevard de l’influence romaine eut succombé en 1866, et que l’avenir d’un empire évangélique se dessina clairement à l’horizon de l’Allemagne. On perdit toute tranquillité lorsque la seconde grande puissance catholique en Europe eut suivi le chemin de la précédente, et que l’Allemagne devint la première puissance militaire pour le moment et, selon ce que sera la volonté de Dieu, pour longtemps. » Se fondant sur un rapport qui, par le plus grand des hasards, était tombé dans ses mains le jour même où il avait besoin d’enlever un vote, M. de Bismarck ajouta : « Si je dois dire toute ma pensée, j’avouerai que je n’ai pas un instant de doute que la revanche désirée en France ne doive être préparée par des complications religieuses en Allemagne. On veut paralyser l’unité allemande. Une partie influente du clergé catholique dirigée de Rome même sert la politique française, parce qu’à elle se lient les essais de restauration dans les états de l’église. C’est ainsi qu’on espère se fortifier, tandis qu’en Allemagne le clergé, recevant le mot d’ordre de Paris, de Rome, de Genève, de Bruxelles, fomentera les complications ecclésiastiques. Il ne faut se faire aucune illusion là-dessus. En même temps que la revanche contre l’Allemagne, on prépare un coup contre l’Italie. On espère que les discordes religieuses paralyseront l’Allemagne, et, tandis que dans ce pays le clergé fait sourdement son œuvre, il lève ouvertement la bannière française en Italie et s’efforce de ramener le pays sous l’autorité du pape, ou plutôt sous l’autorité française représentée par le pape. »

Ces paroles si claires du chancelier sont l’explication de tous ses actes contre l’église catholique. Il veut fonder un empire évangélique, c’est-à-dire franchement unitaire au point de vue religieux, — premier motif pour opprimer le culte de la minorité. Cet empire évangélique a pour adversaire la France catholique unie à la papauté, — second motif pour traiter le catholicisme allemand comme un schisme national ou un péril public auquel on ne doit aucun ménagement. Il ne s’agit pas de se préoccuper de ces frivoles questions de droit civil ou de liberté de conscience dont se soucient les idéologues. La lutte nationale n’est point terminée ; elle se poursuit dans la sphère des idées et des croyances après avoir cessé sur les champs de bataille. Il faut faire des lois comme on faisait des canons ; le parlement est une usine Krupp d’un genre perfectionné pour les engins législatifs dont on a besoin. Désormais tout est clair et logique dans les mesures si graves proposées depuis deux ans aux chambres prussiennes. Incompétence religieuse de l’état, respect des